Pourquoi désirer l'impossible ? - publié le 10/10/2008

Résumé du document

Pourquoi désirer ce qu'on ne pourra pas obtenir ? Nous nous interrogerons dans une première partie sur l'existence de l'impossible comme improbable objet du désir puis nous analyserons dans une deuxième partie les raisons et les frustrations de ce désir : à quoi bon désirer l'impossible ? Enfin, nous aborderons l'aspect plus constructif de ce désir en évoquant ses finalités (...)

Extraits

[...] C'est en somme parce qu'on peut toujours espérer dépasser les limites du possible que l'on désire l'impossible. L'impossible peut également être objet d'un désir fantasmatique : il ne s'agit donc pas de désirer fermement l'inatteignable mais bien de le fantasmer sans entrer dans la contradiction inhérente au réel désir de l'impossible. Lorsque le jeune Fabrice Del Dongo de la Chartreuse de Parme, du haut de la tour de l'abbé Blanès dans laquelle il se cache, assiste à la procession en l'honneur du saint Giovita, il reconnaît de jeunes amies de son enfance et avoue qu'il eût fort bien bravé les gendarmes pour leur parler : il ne le risque pas mais est traversé par un spontané désir de braver les gendarmes pour adresser la parole aux jeunes filles. [...]

[...] On peut conclure cette troisième partie sur une citation de Paul d'Holbach : Jouir sans interruption, c'est ne jouir de rien ; l'homme qui n'a rien à désirer est à coup sûr plus malheureux que celui qui souffre Trouver les causes du désir de l'impossible exige donc de dépasser la contradiction logique du sujet pour aborder les limites mais aussi les finalités de l'impossible comme objet de désir. Nous ne désirons pas l'impossible par caprice ou par mouvement de rébellion contre notre impuissance humaine mais comme moyen de nous surpasser, de dépasser nos possibles. Pour conclure, on se tournera vers les idées cartésiennes, abordées au cours de la réflexion, en se demandant finalement s'il vaut mieux changer ses désirs que l'ordre du monde, au vu des conséquences quelle qu'elles soient du désir de l'impossible. [...]

[...] On se rapproche, par cet aspect du désir de l'impossible, de l'enfant qui désire faire ce qu'il lui est interdit de faire. Dans les Entretiens, Épictète énonce à cet égard : ce n'est pas par la satisfaction des désirs que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir. Ajouté à cela l'hypothèse du désir mimétique de René Girard : l'homme ne sait pas spontanément quoi désirer, et ne désire en fait que par imitation du désir de l'autre, qui rend l'homme encore davantage dépendant de ses désirs puisqu'interviennent les autres comme médiateurs Ce qui nous amène à considérer, au terme de cette deuxième partie, le désir de l'impossible comme cause de notre malheur, puisque nous condamnant à une insatisfaction continuelle. [...]

[...] Si nous désirons l'impossible, c'est parce que nous lui reconnaissons non pas la valeur négative de contraindre notre liberté, mais celle, positive, de nous pousser à aller plus loin. De ce modèle idéal ne découle pas seulement la vertu : le bonheur aussi. Si le désir de l'impossible permet le dépassement de nos possibles, il permet alors plus précisément le dépassement de soi : on peut citer de nombreux grands conquérants, des sportifs, des explorateurs pour qui la limite ne devait pas être prise en compte dans leur désir de progrès, afin justement de la repousser à ses propres limites. [...]

[...] Enfin, nous aborderons l'aspect plus constructif de ce désir en évoquant ses finalités. Le désir est une aspiration à posséder quelque chose pour satisfaire une envie, il est par ailleurs, selon la formule de Spinoza, une tendance qui a pris conscience d'elle-même : autrement dit, en désirant, on anticipe pratiquement la possession d'une chose et la jouissance qu'elle nous procurera. Désirer l'impossible supposerait donc l'espoir d'une jouissance irréalisable puisque son objet est inatteignable. Dès lors, la contradiction est flagrante : au désir de voir un événement se réaliser s'ajouterait la connaissance que sa réalisation est impossible c'est-à-dire qu'elle ne peut pas être. [...]