La conception cartésienne du désir maitrisé, qui exclu tout objet inatteignable, n'est pas toujours vraie en pratique. L'exemple tiré de Shakespeare, qui montre un Roméo attiré par Juliette qui lui est interdite, montre que le désir flirte parfois avec l'impossible. Dès lors, cela nous amène à relever une contradiction : il semble que le désir, qui est une tension vers un objet que l'on se représente comme source de satisfaction, puisse porter sur un objet inatteignable, impossible. Or, tout désir vise la réalisation d'un événement : atteindre cet objet (...)
[...] Il s'agit de la croyance en une force supérieure, divine par exemple, à laquelle on adresse un espoir. La prière par exemple, est une demande fait à Dieu que lui seul peut satisfaire car il est au dessus des lois de la nature, il domine le possible et l'impossible. Ainsi, il semble que désirer l'impossible, ce soit désirer un miracle. Le miracle est un phénomène qui déroge aux lois naturelles, et qui est attribué à une puissance divine, supérieur. Lorsqu'on prie pour qu'un miracle arrive, on prie pour que l'impossible se produise. [...]
[...] Cela nous amène à envisager d'autre motif au désir d'impossible. Il apparaît envisageable que nous puissions désirer l'impossible justement parce qu'il est impossible, voir interdit. On peut prendre pour exemple l'histoire de Barbe-Bleu, interdisant à sa femme l'accès à une pièce du château. Celle-ci, rongée par la curiosité et le désir, profitera de l'absence de son mari pour aller visiter la pièce interdite et aura ainsi désiré l'impossible justement parce qu'il lui était interdit, impossible. Toujours en ce sens, si Roméo désire tant Juliette, n'est-ce pas aussi parce qu'elle est la seule qui lui soit interdite ? [...]
[...] Mais enfin, désirer l'impossible ne serait-il pas le propre du désir ? L'homme est un être de désir. Ses désirs sont liés aux manque d'être comme le dit Sartre. Si le désir est manque, il n'est pas manque de ceci ou cela mais manque d'être. Ainsi le désir favorise précisément la puissance de l'être. L'homme s'épanouit par la satisfaction de tous les désirs d'êtres, d'objets et de situations "positifs". Or désirer sans fin tout ce qui est "positif", c'est-à-dire épanouissant, est impossible. [...]
[...] Or, nous avons vu qu'il est possible de désirer l'impossible en toute connaissance de cause. Si désirer l'impossible semble être propre à l'homme, alors il faut réfléchir à une fonction du désir de l'impossible, qui au lieu de nous pousser au malheur, nous pousserait vers quelque chose de positif, source de bonheur. Le désir d'impossible porte sur un idéal et il faut donc le considérer comme tel, comme un modèle qu'à défaut d'atteindre, l'on s'efforce d'approcher. Kant parle d'un idéal régulateur qui nous sert de guide et que nous nous efforçons de suivre. [...]
[...] Pour celui-ci, notre inconscient est tout entier régi par nos désirs. Ils sont des pulsions, qui ignorent la contradiction, l'espace et le temps. Beaucoup de nos action, nos paroles ou encore nos rêves sont l'expression de cet inconscient, et donc de nos désir. Si nous n'avons pas accès à ceux-ci, puisque par définition ils sont inaccessibles à notre conscience, ils guident néanmoins notre existence. Par exemple, un homme peut désirer inconsciemment être une femme. Il s'agit d'un désir qui ne peut évidemment pas aboutir, un désir impossible. [...]
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