Dans sa "Lettre à Ménécée", le philosophe antique Épicure propose de faire la distinction entre des désirs nécessaires et des désirs non nécessaires, afin que nous puissions limiter nos désirs à l'essentiel et ne pas passer à côté du bonheur en les laissant se multiplier à l'infini. Il pense ainsi que nous pouvons atteindre l'ataraxie, l'absence de troubles, de passions, de perturbations, d'envies, etc. et donc le bonheur. Néanmoins, le désir humain est-il facile à discipliner? Et d'ailleurs, comment estimer ce qui est « nécessaire » et ce qui ne l'est pas? Si nous nous en tenons aux strictes nécessités vitales, l'homme n'a besoin que de très peu de choses. Pourtant, il désire aussi bien un bel avenir, le grand amour, la beauté artistique, la connaissance, l'immortalité...
[...] Une fois qu'il a son bonbon [ . les parents ont peut-être la paix, mais l'enfant ne parle pas, n'observe rien, il est centré sur son tube digestif. Ainsi le désir humain naît-il à partir du moment où nous prenons de la distance par rapport à nos envies immédiates, que nous les mettons en perspective avec des mots et que nous nous projetons dans l'avenir. Tout ceci repose sur une dimension symbolique, c'est-à-dire à la fois sur l'abstraction, la capacité à faire varier mentalement les possibles en utilisant les mots du langage, l'imagination. [...]
[...] C'est notamment le cas de la passion amoureuse véritable, ou encore de la fièvre artistique ou de la recherche scientifique. Dans toutes ces situations, ce que nous recherchons est encore plus intense dès l'instant où nous commençons à apercevoir que cela peut exister et nous procurer une satisfaction plus intense que celles des plaisirs liés aux besoins primaires. [2. La peur suscitée par le désir] On pourrait donc se dire qu'il est préférable de ne pas désirer ce qui n'est pas nécessaire. [...]
[...] Deleuze écrivait, à propos des artistes et des révolutionnaires: Ils savent que le désir étreint la vie avec une puissance productrice, et la reproduit d'une façon d'autant plus intense qu'il a peu de besoins. Et tant pis pour ceux qui croient que c'est facile à dire, ou que c'est une idée dans les livres (L'Anti-Œdipe). Par là, il nous indique que ce sont nos besoins élémentaires qui peuvent être limités, à la fois parce qu'ils sont peu nombreux et secondaires par rapport à notre implication dans une existence vraiment humaine. [...]
[...] Ainsi les désirs véritables portent-ils justement sur ce qui n'est pas nécessaire, sur ce qui est seulement possible et dont la réalisation n'est qu'hypothétique. Celle-ci devra s'appuyer d'ailleurs sur d'autres désirs: celui de l'amant, celui des parents vis-à-vis de la réussite de leur enfant, celui des amateurs d'art pour un artiste ou des compagnons de lutte pour un révolutionnaire. Et dès lors qu'un désir s'appuie sur celui de l'autre, n'est-il pas, en un sens, raisonnable? [III. Désirer pour être Autre, et par là être humain [1. [...]
[...] Et pourquoi désirer ce qui n'est pas nécessaire? Une telle question nous amène à réfléchir à la notion de nécessité, difficile à déterminer: à partir de quand une chose est-elle nécessaire ou cesse-t-elle de l'être? Et le désir porte-t-il sur ce qui est nécessaire ou justement sur ce qui ne l'est pas? Par ailleurs, comme nous engage à le contester Épicure, des désirs qui porteraient sur des choses non nécessaires seraient- ils raisonnables? Ne devons-nous pas limiter nos désirs à la stricte nécessité? [...]
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