Sans doute, le désir peut-il être saisi, en première analyse, dans sa relation au besoin. Quelle différence entre avoir soif et désirer un verre d'eau ? Il apparaît qu'une première ligne de partage possible est celle de la nature et de la culture.
Le besoin, en effet, se comprend comme une nécessité naturelle (j'ai besoin de boire, de manger, de dormir…), et donc par là il est assujetti à une norme – il y a une normativité du besoin – qui est la nature elle-même et par là le besoin se trouve naturellement en quelque façon limitée dans son mouvement. Si donc le besoin a une limite, celle-ci est fixée par la nature elle-même. Le besoin possède naturellement une limite au sens où il se trouve, dans son mouvement même, naturellement limité par la nature, par la nécessité naturelle. En ce sens, on peut dire que le besoin, en tant qu'il répond à une nécessité naturelle, possède une sorte de sobriété mesurée.
[...] Il n'y a donc pas pour l'homme de bonheur possible dans l'état de nature, car aucun homme ne saurait se contenter de satisfaire ses besoins naturels, ou bien plutôt tout besoin est toujours déjà en lui-même du désir. Nous pensons, avec Hegel, que l'Esprit ne saurait rester engoncé dans la nature. L'esclave qui travaille, et par là transforme la nature ne reste pas engoncé dans la nature : il se libère et accède à la culture, c'est-à- dire pour Hegel au monde de l'Esprit. [...]
[...] En effet, chez Spinoza, ils ne se distinguent pas de la nécessité naturelle. Pour répondre à cette question, il convient de revenir à l'analyse du désir telle qu'elle nous est présentée par Spinoza dans le livre III de l'Ethique. Spinoza nous dit que persévérer dans son être ne signifie pas se maintenir dans le même état Persévérer dans son être, c'est, nous dit-il, actualiser [c'est-à-dire faire passer à l'acte, réaliser] son essence en tant que celle-ci se définit comme puissance d'agir. [...]
[...] Dans ses Dialogues, Deleuze dit qu' il n'y a pas de sujet du désir, pas plus que d'objet. Seuls les flux sont l'objectivité du désir lui-même Autrement dit, pour Deleuze, point n'est besoin de sujet ni d'objet pour rendre compte du désir , celui-ci étant un système de flux. Autrement dit, avec le désir, nous perdons l'objet puisque, comme nous l'avons vu aussi bien avec Spinoza, le désir au fond ne s'intéresse qu'à lui-même, ce qu'il veut c'est lui-même et nous perdons aussi le sujet comme pôle d'identité, ou, comme dirait Kant, comme forme vide alors même que Kant l'avait déjà désubstantialisé, l'avait déjà privé de toute épaisseur existentielle et psychologique. [...]
[...] Une illustration du rapport entre besoin et nature nous est fournie par la Lettre à Ménécée. Epicure [Philosophe grec, IIIe siècle avant notre ère] y définit la vie heureuse comme un état d'équilibre entre douleur et plaisir. Or, il nous montre que cet état d'équilibre ne peut être atteint que dans la mesure où il repose sur la seule satisfaction des besoins naturels. Autrement dit, pour Epicure, il suffit de nous en tenir à la seule satisfaction de nos besoins naturels pour parvenir à une vie heureuse. [...]
[...] Tout ce qui est extérieur à ce plan et soumis à ce que Deleuze appelle la loi impuissante, dit Deleuze, le désir La loi (conçue ici comme l'absolument autre) introduit le manque dans le désir, et donc le rend impuissant. Ce plan d'immanence dont parle Deleuze n'a rien à voir avec une intériorité, avec l'intériorité du sujet, il est au contraire comme le dehors d'où vient tout désir. [...]
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