« Le désir est l'essence de l'homme », écrit Spinoza dans l'Ethique : le désir traverse l'existence de part en part, caractérise le rapport de l'homme au monde, aux autres et à lui-même. Il semblerait que notre désir soit ou désir d'objet, ou « désir de désir », c'est-à-dire désir de reconnaissance par les autres ; ainsi, force est de constater que chaque jour, nous ne cessons de guetter la reconnaissance d'autrui : partout nous cherchons des signes d'approbation, d'admiration ou encore de respect... De fait, les autres seraient susceptibles de satisfaire nos inclinations, de combler un manque... Mais, précisément, pour quelles raisons, et dans quelles finalités désirons-nous être reconnus par les autres ?
Si une reconnaissance est désirable en ce qu'elle nous permet d'obtenir la confirmation de notre propre valeur, elle permet également d'accéder à la conscience de soi et au sentiment d'exister ; enfin, elle semble gage du respect (et de l'affection) auquel chacun aspire (...)
[...] Notons qu'une reconnaissance dépréciative semble malgré tout préférable au déni de reconnaissance, qui offense plus gravement le sujet : être ignoré donne l'impression d'être anéantis d'où le surgissement de l'angoisse ; nous ne sommes alors plus traités comme une fin en soi La dignité d'un individu renvoie à son caractère irremplaçable. Aussi est-ce refuser à une personne toute prétention à exister comme sujet véritable, autonome, que de le frapper d'indignité et de ne pas le reconnaître en tant que tel. De fait, nous désirons être reconnus par les autres pour être respectés pour ce que nous sommes dans notre essence (et ce, que nous cherchions à être perçus comme leur semblable ou leur différent). [...]
[...] Ainsi, nous ne pouvons être ceci ou cela que si nous sommes reconnus comme tels par l'autre : sans celui-ci, sans sa reconnaissance, nous ne sommes pour ainsi dire rien, nous n'existons pas même et ne pouvons atteindre aucune savoir sur nous-mêmes. La relation, en ce sens, nous tend un miroir dans lequel nous pouvons observer ce que nous sommes, accéder à une connaissance de soi sans doute meilleure et nous sommes d'autant plus sensible à l'image qu'il renvoie que nous la posons comme exacte, et non comme éventuellement erronée ! Aussi désirons-nous obtenir sinon arracher ! [...]
[...] Rien n'est moins sûr * Et si nous désirions être connus par les autres pour avoir, au fond, e sentiment d'exister ? Dès lors, si lutte pour le pouvoir il ya, celle-ci pourrait fort bien fondamentalement viser à acquérir une conscience de soi authentique Ainsi, estime Hegel, rien n'existe qui soit immediatement : tout doit devenir soi, rien n'est vrai par soi-même, tout doit se vérifier, être avéré ; jamais donnée, l'identité est toujours conquise, si bien que nous ne sommes pas d'emblée un homme qui désirerait (ainsi que l'affirme Hobbes) qu'autrui reconnaisse en nous une humanité déjà constituée et acquise : en effet, ce sont les autres qui me l'octroient (ou non Ceci attise d'ailleurs le désir, car la reconnaissance ne va pas de soi : toujours l'autre peut nous la refuser ! [...]
[...] * Tout d'abord, remarquons que nous ne désirons pas une reconnaissance vide mais la reconnaissance de nos propres aptitudes, de notre utilité, de nos mérites, bref : de notre valeur. En effet, l'ego cherche à se faire valoir aux yeux des autres et, partant, à ses propres yeux : aussi doutons-nous souvent tant de notre propre valeur que l'on aspire à voir celle-ci confirmée par les autres, ne serait-ce que pour développer l'estime de soi, la confiance en soi, l'amour de soi (voire flatter quelque peu notre amour-propre, notre orgueil et ce, d'autant plus que les autres donnent du prix à ce qu'ils désirent : dès lors, si leur désir porte sur nous, alors nous prenons nous-mêmes, par voie de conséquence, de la valeur ! [...]
[...] Mais ne souviendrait-il pas également d'envisager dans notre désir de reconnaissance une perspective pour ainsi dire éthique ? * Le désir de reconnaissance est en effet fondamentalement désir d'être respecté pour ce que l'on est (un homme, un sujet unique, une personne) et doit permettre la création de relations intersubjectives plus élaborées (au-delà du conflit, par exemple). Le fait d'être reconnu par les autres permet effectivement de construire une relation, un lien que l'on pourrait qualifier, finalement, d'affectif avec eux : de fait, si ils admettent qu'à l'instar d'eux- mêmes, je suis un sujet conscient, alors ils me perçoivent comme un être qu'ils peuvent porter dans leur affection ; en ce sens, nous désirerions être reconnus par les autres pour être dignes d'être appréciés, ce qui ouvre la voie à la simple sympathie comme à l'amitié ou à l'amour et permet de déclore, en quelque sorte, l'individualité, le strict repli sur soi Toutefois, est-ce grâce à un sentiment toujours relativement contingent que les hommes se reconnaissent ? [...]
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