Lorsque Platon, à travers le mythe de l'androgyne (Le Banquet), explicite la position du désir, comme origine d'une insuffisance et comme cause de la quête d'une unité perdue, il rapporte en fait le désir à l'expérience cruciale du manque. C'est d'ailleurs du regret, né de l'incapacité à observer les constellations, qu'est apparu le terme latin "considerare", à l'origine du mot désir.
Mais que signifient les termes de misère et de marque ? Le premier pourrait s'apparenter au besoin, à l'incomplétude et à la finitude ; le second pourrait englober tant l'indice, que la cause ou la conséquence. Ainsi, le désir deviendrait-il contraignant et perturbateur d'esprit ? Le désir ne permettrait-il alors jamais notre épanouissement ? Finalement, n'est-ce pas notre conception du désir qui nous rend misérable ? (...)
[...] Si le désir est la fois fils de pauvreté et d'expédient, il apparaît aussi comme un moteur de créativité et de connaissance, l'ignorance créant un désir de savoir. Le désir se révèle d'abord être une aspiration au beau. A travers les travaux d'artistes, comme celui du cinéaste cherchant à représenter une part d'humanité, comme celui du sculpteur classique créant un corps aux proportions parfaites, comme celui du chorégraphe assujettissant le mouvements à son intention, nous remarquons la grandeur des réalisations entreprises. [...]
[...] Toutefois, à la courte satisfaction du désir, suivra la quête d'un nouveau jeu électronique, d'une nouvelle console de jeu plus performante. L'enfant n'est alors jamais satisfait de sa condition. Ainsi, du non assouvissement du désir, va naître un sentiment de souffrance. Mais de l'assouvissement, va naître un sentiment d'ennui, causé par la monotonie, et l'Homme se créera alors un autre désir. Ce mouvement infini animant l'Homme, que décrit Schopenhauer à travers l'image d'un pendule, oscillant entre recherche et tourment, devient alors un réel carcan. [...]
[...] Le désir est donc bien la cause de tout projet, projets eux- mêmes moteurs des pensées et des actes du présent. La conception d'un désir, associé à un appétit conscient de lui-même est d'ailleurs prônée par Spinoza. Pour lui, il est donc inutile de condamner le désir, puisqu'il est l'essence même de l'Homme mais aussi son moteur. Toutefois, il n'est pas forcément exclu de pouvoir maîtriser nos désirs. Ne préfèrerions-nous pas parfois partir en congés plutôt que de faire face à nos difficultés au travail ? [...]
[...] Marque de sa condition à titre de cause, puisque l'Homme se condamne au malheur et à l'inauthenticité en désirant ce qu'il ne peut avoir. Mais, au contraire, si la conscience de notre condition nous rend capable d'agir, de conquérir une forme de liberté, alors les désirs peuvent nous conduire à quitter la misère, à vivre de façon à devenir soi-même. Il peut donc résulter de la connaissance de ses désirs, un désir de libération qui ne soit pas qu'une vaine exposition à la frustration. [...]
[...] Enfin, le désir se déclare être une véritable preuve de misère. L'enfant qui détient d'innombrables jouets, qui reçoit régulièrement de nombreux cadeaux, que l'on sort souvent dans tel ou tel parc d'attractions, n'a pas réellement le temps de désirer. Avant même que ses vœux ne soient formulés, ils sont déjà comblés par la prévenance des parents. La famille, qui pense savoir ce que l'enfant désire, lui ôte en fait toute envie, toute quête. Ainsi, cet enfant, communément qualifié de ‘gâté', sera à la fois désoeuvré et malheureux. [...]
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