Rencontré dans la vie quotidienne, le désir, venant du latin desiderium (« le manque ») correspond à la recherche d'un objet que l'on imagine ou que l'on sait être source de satisfaction. Il est, par conséquent, accompagné d'un sentiment de manque, de privation et donc d'une souffrance. Platon est le premier à avoir défini le désir (dans Le Banquet) et le reste de la philosophie classique s'en tiendra à cette définition. Celle-ci voit dans le désir (qui n'est pas à confondre avec la volonté désignant une faculté à l'origine des actes délibérés, pratiques ou théoriques, qui permet d'agir d'après la représentation des fins) un caractère d'ambiguïté, voire de contradiction (...)
[...] J.-C., dans ses Tusculanes, Cicéron citait Zénon (Vème siècle av. J.- C.) qui disait que l'homme heureux est celui qui jouit des plaisirs présents, qui est assuré qu'il en jouira toute sa vie ou une bonne partie de sa vie, si la douleur ne s'y oppose pas ; et si elle s'y oppose ou bien elle sera extrême et alors brève ou bien elle s'étendra dans le temps et alors aura plus d'agréments que des désagréments ; donc avec ces pensées il serait heureux surtout si il se contentait des biens ressentis auparavant et il ne craindrait ni la mort ni les dieux Autrement dit, déjà chez les Présocratiques, l'Homme était condamné à être la plupart du temps malheureux puisqu'il y a des désirs sans limites, insatiables, qu'on ne peut pas plus contenter qu'on ne peut remplir des tonneaux percés avec un crible percé de même disait Socrate. [...]
[...] Toutefois, la répression des désirs ne peut-elle pas avoir les effets inverses de ceux attendus ? Que faut-il donc entendre par maîtrise des désirs ? Est-il possible de dominer ses désirs et est-il raisonnable de chercher à le faire ? Le but de notre étude sera de voir si, en admettant que la faculté de désirer est involontaire (donc ne dépend pas de la conscience réflexive du sujet), il est déraisonnable, autrement dit non conforme au bon sens, ou, au contraire raisonnable, ou sensé, de chercher à maîtriser la faculté de désirer d'un sujet. [...]
[...] Le désir, dans tous les cas, n'est pas à rejeter au nom d'une morale inhumaine et mortifère. Au contraire, il peut seul nous orienter vers des buts pleinement humains, de sorte qu'être attentif à sa signification est peut-être la seule exigence à laquelle il faille répondre pour que, puissance de vie, le désir ne se transforme pas en son contraire, à savoir le désir de mort, et, par conséquent, de mort du désir. Cependant, laisser libre cours à ses désirs et à chercher à tous les assouvir, même ceux qui apparaissent comme impossibles à satisfaire, pourrait nous amener à mener une existence malheureuse et inassouvie dans le sens où certains désirs sont insatiables ; nous pourrions, enfin, basculer dans la folie, une sorte de monomanie. [...]
[...] Il s'agit, en effet, de comprendre que le plaisir ne saurait être le critère du bien. Le plaisir étant une croyance subjective, une passion, il nous rend esclave et ne saurait, à ce titre, être un bien. La question de la maîtrise du désir, et donc du plaisir, se pose car l'anxiété ainsi que la frustration peuvent devenir la caractéristique d'une existence dont le but serait d'assouvir les désirs qui sont par nature insatiables. A force, les désirs peuvent réduire l'Homme en esclavage et il apparaît nécessaire d'y opposer le pouvoir de la volonté, ou celui de manifester de la persévérance dans ses choix de vie et de la fermenté dans ses décisions, éclairée par la raison, c'est-à-dire la faculté de bien juger et de combiner les différents jugements. [...]
[...] Les assouvir ne les éteint pas, ils renaissent en s'attachant à d'autres objets. Étant un excès, le désir exprime une démesure, ou l'ubris chez les philosophes grecs. De plus, la réalité oppose des obstacles innombrables, limitant d'autant plus les conditions de sa réalisation. Enfin, les désirs entrent en conflit et peuvent être source de violence. Désir et plaisir ne mènent donc pas nécessairement au bonheur, c'est-à-dire à un état durable de satisfaction, que toute la philosophie classique s'est longtemps efforcée à rechercher et à comprendre. [...]
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