Derrière le mot désir se cache souvent une connotation répulsive, un sens – qui, force est de le constater – tourne au négatif. Lorsque nous songeons au désir, nous pouvons y voir la soif de pouvoir, l'appât du gain, le désir de sexe ou encore de multiples vices que la tradition philosophique ne s'est pas privée de dénoncer. Evidemment, analysé sous cet angle là, le désir peut s'avérer fondamentalement punissable : il est à bannir, à jeter au cachot ou à tout le moins aux orties. Or, nous pouvons nous demander judicieusement si l'assimilation du désir à la jouissance démesurée n'est pas réductrice, dans le sens où le désir recoupe d'autres significations que l'opinion commune omet de mentionner quelque peu. En effet, ne pourrait-il pas y avoir des désirs légitimes, comme le désir de savoir, d'apprendre ou de vouloir qui ne saurait être réduits à la notion problématique d'immoralité ? Cette dernière recoupe un jugement de valeur – la morale – qui s'applique à une caractéristique pourtant inhérente à l'âme humaine. S'il se peut que dans le désir se conjuguent le mauvais et le vice, et paradoxalement aussi des vertus qui forgent le sujet, il ne faudrait se restreindre à cette dualité indépassable en apparence. Juger le désir à l'aune de critères moraux – c'est-à-dire avec un jugement de valeur –, n'est-ce pas omettre une voie alternative que dessinerait une compréhension rationnelle des désirs humains ?
[...] Et en plus d'être immoral, on ne peut y céder ! Effectivement, pour le théologien du Ve siècle et auteur de La Cité de Dieu, il est difficile de rejeter le désir une fois que l'on y a cédé, témoignant du même coup de l'incapacité humaine à s'en séparer. Le corps nous sépare de la vraie moralité, du chemin du bien, qui, lui, se situe dans le spirituel, dans l'exercice propice de la méditation et dans la fréquentation des textes sacrés. [...]
[...] C'est dans ce sens que va Blaise Pascal, apeuré par la dimension spéculative et spectaculaire ! de l'imagination, qui constitue pourtant l'âme humaine et qui rythme sa vie. L'imagination veut tout et peut tout. Elle est maîtresse et fait ce qu'elle veut : du simple désir anodin au désir de supprimer l'autre. Ainsi le désir est vivement réprimé dans la tradition religieuse étant assimilé sans concessions à l'immoralité. La dangerosité de certains désirs ne peut contredire ces affirmations. Dans ce cas, pourquoi ne pas tenter de comprendre et de contrôler le désir ? [...]
[...] En sachant examiner avec raison ses désirs y compris les plus immoraux en apparence en les soumettant à une sorte d' examen et en les classant à la manière d'Epicure, n'est-il pas envisageable de considérer le désir comme un outil structurant de l'âme humain ? En respectant les règles précédemment énoncées, il est fort probable de trouver en le désir, une caractéristique tout à fait morale et légitime. Un détour par la pensée de Platon peut apparaître à cet égard très lucratif. L'auteur du Banquet affirme sans autre forme de procès que l'amour est philosophe Le désir est source de sagesse et de spiritualité en étant légitime. Le désir de savoir, de connaître ou de comprendre peut-il être répréhensible ? [...]
[...] Une des solutions aux désirs immoraux pourrait être d'ordre rationnel. Si le désir est immoral comme précédemment énoncé, pourquoi ne pas essayer de comprendre son essence, de l'approcher d'un point de vue rationnel ? Cette stratégie suppose un changement de point de vue impliquant nécessairement une substitution de la connaissance au jugement de valeur. C'est ce que nous propose Spinoza, pour qui il convient de traiter les désirs à la manière d'un géomètre comme s'il s'agissait de cônes, de surfaces, d'angles et de rectangles. [...]
[...] L'affection de la peur nous prépare à courir, à fuir ou à crier dans des circonstances qui le nécessitent. D'autre part, ils préparent l'âme, dans la mesure où ils poussent à analyser les causes du désir subi et les conséquences qu'il faut en tirer. Les désirs sont positifs et pédagogiques, car ils mettent à nu nos qualités, nos faiblesses, nos erreurs, et en ce sens, ils ne sont pas immoraux. Ils sont le chemin de l'apprentissage de la vie au quotidien, et cela pour chacun d'entre nous. [...]
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