D'emblée, le désir semble s'imposer à nous comme une notion des plus difficiles à définir, et de nombreux philosophes et poètes ont tenté de poser des mots sur un terme aussi délicat et trouble que celui-ci. Il a d'ailleurs été souvent caractérisé par la philosophie classique comme un problème, tant sa nature est contradictoire et ambiguë, tandis que la philosophie contemporaine lui redonne une valeur positive. Ainsi, pour certains, le désir est la recherche d'un objet que l'on sait source de plaisir et de satisfaction, mais qui est accompagné d'un sentiment de privation. Cependant, d'autres parlent du désir comme l'essence même de l'homme, sentiment indispensable qu'on ne peut rejeter. Il devient alors flagrant que le désir suscite les interrogations les plus diverses.
L'étymologie nous rappelle que le mot latin « Eros » désigne le désir de l'Amour, et par extension, le désir des sens. Il est le fils de Pôros (abondance et excès) et de Penia (pauvreté et manque) et s'oppose à Thanatos, dieu de la mort. L'étymologie même nous suggère une définition des plus contradictoires et nous sommes donc engagés dans deux voies différentes. L'une renvoie au côté négatif du manque et de la souffrance, l'autre à la dimension positive de l'excès et de l'abondance. Le problème sera donc de savoir quelle est la nature fondamentale du désir, et si l'on en envisage une seule et unique acception. L'enjeu est de taille au vu du paradoxe que contient le terme lui-même.
Quelle est donc sa nature essentielle ? Le désir est-il fondamentalement manque d'être, et détresse, ou revêt-il une tout autre valeur ?
[...] Le problème sera donc de savoir quelle est la nature fondamentale du désir, et si l'on en envisage une seule et unique acception. L'enjeu est de taille au vu du paradoxe que contient le terme lui-même. Pour répondre au problème, nous verrons dans un premier moment pourquoi la nature du désir est essentiellement manque et souffrance, puis dans un second moment, nous verrons dans quelle mesure le désir relève du plaisir et est dans l'ordre des choses, une notion positive. [...]
[...] Ainsi, le désir est à la fois manque et plénitude, vide et plein, pauvreté et exubérance, ignorance et connaissance. Il est le principe même de toute chose, le moteur premier de nos actions. Ni fondamentalement manque, ni fondamentalement plénitude, il trouve sa place au centre des contradictions, souffrance et bonheur, à l'image de la complexité de nos émotions et sentiments. Platon le définit comme le symbole du philosophe, entre ignorance et savoir, tandis que Freud le situe entre pulsion de vie et pulsion de mort. [...]
[...] Aussi, pour accéder au bonheur, il faut que nos désirs s'accordent avec ceux de la Nature et à ses lois. Le désir peut donc à cette condition près, être source de liberté. Spinoza aborde aussi le désir comme le moteur premier de nos actes. C'est donc le désir, puis le plaisir qu'il vise, qui engendre l'activité. Il ne relève pas du manque, mais de la volonté et de l'action. Un exemple de désir est l'amour. Quand je désire cet homme, je peux rêver de le posséder, mais en est-ce fini de l'amour lorsque la possession en est faite ? [...]
[...] Aussi, si je désire quelque chose, c'est qu'il me manque cette même chose. Je désire donc combler un manque, une absence, en vue de la plénitude que je recherche. Or, l'être qui ne possède aucun manque, qui vit dans la plénitude la plus totale et la sérénité la plus absolue n'est autre que Dieu ou tout au moins une puissance divine. Il m'est impossible d'égaler une puissance divine. Mon projet est donc voué à l'échec, et le désir représente donc l'impossibilité d'atteindre la quiétude. [...]
[...] Le désir implique donc inexorablement la souffrance et la détresse. Platon rejoint cette idée dans son ouvrage Gorgias, en comparant le désir au Tonneau des Danaïdes, toujours plein, toujours, toujours vide, impossible à remplir ? Le désir veut et ne veut pas être satisfait. Il est un démon fil de Penia, comme le souligne Platon dans Le Banquet. Ainsi, pour échapper à tous les désagréments que provoque le désir, et enfin accéder à la quiétude, les stoïciens et les épicuriens se sont engagés dans une morale du renoncement, en tentant de maitriser les désirs et les rationaliser, afin de les rendre moins inquiets. [...]
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