La perception semble défectueuse relativement aux concepts géométriques. Néanmoins, le dessin, même imparfait, d'un triangle "évoque" le triangle authentique, qui doit donc être présent dans l'esprit avant toute perception d'image. L'exemple du visage schématisé montre ensuite que la perception est souvent confuse, alors que l'idée est claire : c'est cette dernière qui reconnaît un objet, même mal dessiné. La différence entre les deux exemples utilisés équivaut à distinguer a priori et a posteriori ; justification de la théorie des idées innées (...)
[...] S'il fait allusion à la perception accomplie dès l'enfance, c'est pour souligner que, dès ce moment en quelque sorte initial, la perception d'un dessin ne coïncide pas avec l'idée de ce qu'il figure. Puisqu'il en va ainsi dès l'enfance, cela signifie nécessairement que l'idée du triangle est dans notre esprit antérieurement à l'enfance même : elle est donc innée DEFICIT DU PERÇU Un triangle dessiné ne vaut pas mieux, relativement à la réalité du triangle géométrique, qu'un mauvais crayon (c'est-à-dire un dessin maladroit) relativement à une image parfaite (qui désigne ici la perfection d'une image mentale). [...]
[...] Ce qui reste à comprendre autrement (c'est ce que tentera Kant), c'est comment cet a priori correspond aux capacités de la raison en ellemême, comment la raison se sent en quelque sorte chez elle dans l'a priori mathématique, ce qui, précisément, l'autorise à en modifier les concepts et les axiomes pour mettre au point des systèmes différents. De cette mise au point, la conception cartésienne rend l'éventualité impossible. [...]
[...] Resterait à préciser comment cette idée a pu ainsi s'inscrire dans l'esprit. On pourrait concevoir que le triangle fait partie de notre raison dès que celle-ci se manifeste, ce qui inviterait à considérer que la raison humaine est dotée d'un ensemble d'idées innées - et c'est bien une thèse de Descartes, que combattront vigoureusement, et pas seulement à propos des mathématiques, les philosophes empiristes ultérieurs. Il faut alors s'interroger sur la provenance d'une raison ainsi pourvue. On entrevoit qu'il n'y a sur ce point qu'une possibilité de réponse : c'est Dieu qui nous la donne. [...]
[...] Si l'on généralise cet exemple du visage, il devient possible d'admettre l'existence d'une nette différence entre les éléments de notre perception et les idées que nous gardons des choses ou des êtres : la perception est confuse, et risque de livrer des détails inutiles ou superflus ; l'idée au contraire est schématique ou synthétique, mais suffisamment claire pour que nous puissions reconnaître un objet ou un être même à travers une perception ultérieure, qui sera à nouveau trop riche ou confuse Expérience et innéité ANTERIORITE OU INUTILITE DE L'EXPERIENCE Il existe pourtant une importante différence entre le visage d'un homme et un triangle, de même qu'entre les idées que nous en avons. Dans le premier cas, c'est parce que nous avons eu plusieurs fois l'occasion de le percevoir que nous en composons, par épuration et simplification, une idée qui nous permettra ensuite de le reconnaître. L'expérience est donc ici antérieure à la formation de l'idée. [...]
[...] Ainsi, nous percevons en quelque sorte à travers le dessin et ses imperfections, pour concevoir la figure parfaite. Et cette perception à travers suppose une épuration de ce qui est dessiné, qui risque d'être toujours moins simple ou plus composé : la matérialisation du triangle dans son dessin lui ajoute des défauts, des bavures, des incertitudes, qui sont autant de complications, alors que le vrai triangle conçu intellectuellement se caractérise par sa simplicité et sa pureté. On rencontre ici une critique du dessin géométrique qui n'est pas sans rappeler la position de Platon, lui aussi soucieux de distinguer la figure dessinée du concept dont elle est une (mauvaise) illustration ou imitation La reconnaissance du perçu L'EXEMPLE DU MAUVAIS PORTRAIT La comparaison établie ensuite par Descartes entre le dessin géométrique et le dessin représentant la face d'un homme confirme que ce que nous percevons demeure imparfait par rapport à l'idée que nous pouvons avoir du prétexte au dessin. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture