Il est fréquent, lors d'une discussion entre amis, ou d'un débat plus élaboré, que l'un des interlocuteurs soit accusé d'affirmations arbitraires, ou de formuler sa position de manière trop confuse. Recourir à une forme démonstrative n'est-il pas le moyen d'échapper à de tels défauts ? Si l'on essaie de démontrer un point de vue, le discours tenu n'acquiert-il pas de la rigueur et de la cohérence ? Mais que devient alors ce que l'on nomme ordinairement la liberté de pensée ? Il est vrai qu'on s'interdit de penser n'importe comment : les contraintes logiques constituent-elles un obstacle pour la liberté de pensée ? Ne seraient-elles pas plutôt la condition de son exercice commun ? De plus, est-il possible de les respecter à propos de tout domaine ? Lorsqu'il devient impossible de démontrer (en métaphysique), comment garantir que la pensée ne retombe pas dans l'arbitraire ? (...)
[...] L'exigence de démonstration nuit-elle à la liberté de pensée? Il est fréquent, lors d'une discussion entre amis, ou d'un débat plus élaboré, que l'un des interlocuteurs soit accusé d'affirmations arbitraires, ou de formuler sa position de manière trop confuse. Recourir à une forme démonstrative n'est-il pas le moyen d'échapper à de tels défauts? Si l'on essaie de démontrer un point de vue, le discours tenu n'acquiert-il pas de la rigueur et de la cohérence? Mais que devient alors ce que l'on nomme ordinairement la liberté de pensée? [...]
[...] C'est bien parce que la pensée doit être partagée et ne peut demeurer le privilège d'un seul qu'il lui faut adopter des formes argumentatives qui, loin de lui nuire, lui donnent sa portée véritable. C'est pourquoi l'exigence de démonstration n'est aucunement un fardeau; elle est bien plutôt une double chance, d'une part d'éclaircissement pour la pensée qui prétend se former, de l'autre de circulation entre les hommes. Loin d'être en quelque sorte imposée de l'extérieur à la pensée, l'exigence de démonstration est une demande de la raison elle-même, dont la pensée constitue par définition l'exercice. [...]
[...] Chacun, en restant sur sa position initiale, affirme-t-il mieux sa liberté de pensée? Enfin, sans une exigence de rationalité, la pensée est inconsistante. Selon Platon, la pensée est "dialogue avec soi-même": la démonstration peut concerner le sujet lui-même, s'il veut donner de la solidité à ce qu'il pense. La pensée incohérente n'est pas véritablement pensée, pas davantage (cf. Hegel) qu'une pensée non formulable. Même si l'on admet que la pensée est d'abord intérieure, elle doit s'extérioriser. Pour s'extérioriser, il lui est nécessaire d'emprunter les formes de la raison ou de la logique commune. [...]
[...] Ensuite, la liberté de pensée n'est pas synonyme d'une pensée qui ne connaîtrait aucune règle. En effet, la pensée la plus subjective implique le recours à un fond commun. Pour formuler quelque pensée que ce soit, même la plus apparemment farfelue, il faut recourir au langage: intervention de termes et de structures dont le sujet n'est aucunement l'inventeur. Mais la pensée n'est communicable qu'à la condition de respecter aussi des principes généraux de communication, qui sont la définition minimale de la raison (au simple sens de "raisonnable"). [...]
[...] Ensuite, l'absence de démonstrative peut mener au conflit. De nombreux philosophes (Aristote, saint Thomas, Descartes, etc.) ont élaboré des démonstrations concernant l'existence de Dieu: il s'agirait d'intégrer le concept dans une nécessité logique. Mais ces preuves ont aussi été contestées, par Hume et par Kant, et les logiciens considèrent que le concept de Dieu se situe en dehors de toute pensée logique. L'issue possible est un simple affrontement entre "celui qui croyait au ciel" et "celui qui n'y croyait pas", simples opinions, impossibles à fonder. [...]
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