Heathcliff est le héros sombre et tragique du roman d'Emilie Brontë, Les Hauts de Hurlevent. Bohémien recueilli un soir de tempête par un représentant de la gentry, cet enfant méprisé par sa famille d'adoption, ne recevant aucune éducation, reste un être sauvage et brutal. Comme la lande où ne poussent que quelques herbes folles, et qui sert de décor au roman, Heathcliff symbolise l'être sans culture, stérile, laissé en jachère, abandonné à ses instincts. C'est bien d'ailleurs parce qu'il est dénué de tout raffinement, et privé en apparence d'avenir, que Cathy Earnshaw refuse de l'épouser. Or l'éducation aspire à remédier à cette brutalité. S'adressant à un homme perfectible, être de culture, elle vise à lui permettre de se réaliser pleinement et, dans l'idéal des Lumières, à le rendre meilleur.
Pourtant l'éducation a longtemps constitué un luxe, un privilège, et sa démocratisation ne va pas de soi. Jusqu'à la Révolution, on estimait majoritairement que l'instruction était inutile et coûteuse, pour le tout venant, et tout juste nécessaire aux ecclésiastiques et à la bonne société. L'éducation n'était d'ailleurs pas un service public, mais essentiellement une affaire privée. Ce n'est qu'au moment de la Révolution que s'est imposée la nécessité d'ouvrir l'école au plus grand nombre, afin que le peuple souverain puisse faire un usage éclairé de ses libertés politiques. L'éducation devenait une nécessité pour la République. Les principes posés par Condorcet ont été progressivement mis en oeuvre, et l'école, en diffusant une culture homogène, contribua puissamment à la construction de l'identité nationale.
Lorsque les autorités prirent conscience, dans les années 1960, de la persistance des inégalités scolaires, un nouveau mouvement de démocratisation fut engagé afin de donner à la démocratisation de l'école un caractère plus effectif et de répondre à d'autres nécessités économiques et démographiques. Cette démocratisation quantitative de l'école s'est traduite notamment par la disparition de son caractère ségrégatif et par l'allongement de la durée des études, sans pour autant parvenir à remédier complètement au phénomène de reproduction sociale (...)
[...] C'est grâce à l'école que les sociétés, pour reprendre l'image de Gellner, peuvent ressembler moins à un tableau de Kokoschka la lutte entre les différentes touches de peinture est telle que l'on ne peut dans la profusion des détails, pris isolément, discerner 1 On notera que les orphelins du Tour de France par deux enfants sont originaires de Phalsbourg, ville annexée par l'Allemagne, et que leurs pérégrinations renvoient fréquemment au drame des provinces perdues Dissertation de Culture générale : La démocratisation de l'école aucune composition d'ensemble qu'à une peinture de Modigliani de grands aplats sont très nettement distincts les uns des autres Ainsi, la scolarisation progressive de la paysannerie française contribua à l'intensification de sa conscience nationale, en permettant la généralisation de l'usage du français : Enseigner le français, proclamait Ferdinand Buisson, est l'œuvre essentielle de l'enseignement primaire, une œuvre de caractère patriotique. 17 Dissertation de Culture générale : La démocratisation de l'école III. Nouvel avatar de la démocratisation de l'instruction, la massification du système scolaire, organisée afin de remédier à l'inégalité des chances, n'est pas sans effets pervers pour l'école, désormais confrontée aux maux de la société sur laquelle elle s'ouvre. [...]
[...] L'école s'est progressivement démocratisée au me siècle, notamment en raison des exigences de la construction nationale à laquelle elle a fortement contribué La démocratisation progressive de l'éducation au me siècle a toutefois laissé subsister un système ségrégatif. Ce sont les régimes monarchiques du XIXe siècle qui ont commencé à démocratiser l'école. De ce point de vue, l'école de Jules Ferry représente le point culminant d'une évolution progressive. La Révolution, qui a formé le projet ambitieux d'un système général d'enseignement public, ne l'a guère réalisé. [...]
[...] L'école, du fait de la démocratisation, s'est donc banalisée. Elle y a perdu de son autorité et de sa légitimité. Max Weber, dans Économie et société, distingue trois types de domination légitime : la légitimité rationnelle, la légitimité traditionnelle, la légitimité charismatique. L'école souffre d'un effritement de ces trois types de légitimité. Elle peine à imposer sa légitimité traditionnelle, du fait précisément de sa démocratisation et de l'étiolement de son prestige intellectuel. Sa légitimité légale rationnelle est battue en brèche par l'échec scolaire et le chômage des jeunes, qui remet en cause l'utilité des diplômes qu'elle délivre. [...]
[...] Au total, la question des inégalités ne soulevait pas de réelles préoccupations à cette époque. L'école de Jules Ferry n'était pas une école destinée au premier chef à favoriser la promotion sociale. Pour les Républicains d'alors, l'égalité entre les hommes n'était pas une égalité socio-économique comme nous l'entendons désormais, mais une égalité de responsabilité : qu'importe que les individus, selon leur milieu d'origine, ne reçoivent pas la même éduca-tion, l'essentiel est que chacun soit suffisamment instruit pour participer librement à la vie publique. [...]
[...] D'autre part, donner aux enfants les moyens de devenir des individus libres et autonomes, c'està-dire disposant d'une éducation et d'un discernement suffisants pour exercer leur liberté avec lucidité. La difficulté pour l'école consiste donc, comme l'écrit Marcel Gauchet dans L'École à l'école d'elle-même à résoudre le paradoxe d'une institution holiste dans son principe, mais retournant l'existence de la contrainte 26 Dissertation de Culture générale : La démocratisation de l'école collective au service de son contraire : la promotion de l'individu. [...]
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