Gilles Deleuze introduit en premier lieu l'idée essentielle que le jugement est source de souffrance, les mots « tragédie », « tragique » ou encore « souffrir du jugement » évoquant cette première pensée forte.
Dans sa démarche de compréhension du jugement, l'auteur propose que l'existence ne peut qu'être opposée au jugement (...)
[...] Nul ne peut, en effet, nier avoir souffert du jugement, celui des autres sur soi, le notre sur soi mais aussi le jugement porté par soi sur les autres, tant il fait partie de notre quotidien. Cette souffrance fait référence à différents sentiments ressentis lors du jugement qui peuvent être la culpabilité, la honte, l'humiliation, une mauvaise estime de soi ou encore un sentiment de ne pas pouvoir exister et créer comme Deleuze le décrit très bien. De plus, le jugement fige un être dans un état non évolutif, lui colle une étiquette qui va faciliter les prédicats futurs, ce qu'à relevé Foucault. [...]
[...] L'être aura ainsi de la difficulté à exister tel qu'il est, unique et imparfait, car soumis au diktat des valeurs morales intransigeantes qui ne pardonnent pas, l'altérité faisant obstacle à une véritable compréhension de l'autre comme le note Michel Emil Cioran : Le vieux proverbe Ne juge personne avant de te mettre à sa place." rend tout jugement impossible, car nous ne jugeons quelqu'un que parce que justement nous ne pouvons nous mettre à sa place . Le travailleur social devrait donc être conscient et vigilant lors de ses rapports aux usagers. Est-il possible d'échapper à la souffrance induite par le jugement ? La souffrance implique une résistance à ce qui est, contrairement à la douleur qui est le résultat de l'acceptation de la perte. La vie humaine est douleur. La maladie, les deuils, les pertes, les accidents, la mort en sont les constituants inévitables, la douleur la conséquence à laquelle nul ne peut échapper. [...]
[...] Le jugement peut exister comme jugement sur soi ou comme jugement des autres. Et que se passe-t-il lorsqu'une personne juge ? Elle porte un regard teinté de ses valeurs morales, idées inadéquates selon Spinoza, sur des actes qu'elle évalue à l'aune de ces mêmes valeurs, le plan de la transcendance rejoint ainsi celui de l'immanence pour y voir soit de l'harmonie, jugement positif, soit de la dysharmonie, jugement négatif. Ce regard est donc tout à fait subjectif et une autre personne ayant d'autres valeurs jugera ces mêmes actes de façon différente. [...]
[...] Alors, quelle différence avec le jugement et la souffrance qu'il peut produire ? Le jugement n'est pas la réalité, il est seulement une idée que l'on se fait de ce qui devrait être et de ce qui ne devrait pas. Il est donc partial, préfabriqué et collé à la réalité. Par contre, le jugement en tant que tel fait partie de la réalité. Voilà la subtile nuance importante à intégrer pour pouvoir avancer dans la tentative de résolution du problème du jugement. [...]
[...] Comme l'a dit Socrate, Connais-toi toi- même ».Le but de toute vie humaine n'est-il pas de se connaître et d'aller, comme le propose Yung[3], grâce à un profond travail d'introspection et d'observation de soi, rencontrer sa part d'ombre ? Mais que veux dire justement se connaître ? Cela pourrait représenter une autre problématique. Mais pour ma part, le jugement doit participer de la réflexion plus globale concernant le fait d'apprendre à se connaître, et je pense ici non seulement aux jugements que l'on subit mais aussi et surtout aux jugements que l'on porte soi-même sur les autres, du haut de nos certitudes. [...]
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