"Le degré d'une civilisation se mesure au nombre de contradictions qu'elle accumule", P. Valéry

Résumé du document

Le terme de civilisation est associé à un jugement de valeurs et qualifie favorablement les sociétés à propos desquelles on l'emploie. Il suppose qu'il y ait inversement des peuples non civilisés ou sauvages. Cette idée de supériorité a d'ailleurs conduit au colonialisme. Mais, le mot " civilisation " est basé sur un jugement de valeurs inventé par les Européens, sa définition peut alors apparaître plus pragmatique que scientifique. Or, Valéry nous propose ici un véritable critère pour reconnaître les différents degrés d'une civilisation. Les contradictions accumulées évoquent ainsi une certaine complexité voire complexification de nos civilisations s'inscrivant dans une certaine dialectique. Peut-on néanmoins considérer que le critère de contradiction soit efficace pour mesurer le degré d'une civilisation ? A terme, ce processus d'accumulation ne conduit-il pas à la décadence ?

Extraits

[...] Une civilisation ne doit donc pas, pour gagner en degré, accumuler les contradictions mais les assimiler. Au niveau interne, le problème est alors de faire une civilisation qui soit à la fois de qualité et de masse. Plus il y a de personnes, plus il y a de contradictions internes et plus il y a de disparités ce qui entraîne des problèmes sociaux. C'est la théorie de Marx (L'auto destruction du capitalisme qui porte en elle-même ses propres contradictions). Toute civilisation en suivant le processus de Valéry serait-elle donc vouée à s'auto détruire ? [...]

[...] Toutefois, à trop accumuler les contradictions, la civilisation ne pourrait elle pas exploser, mourir de ses différences. Dans les faits, existe-t-il effectivement une tendance pouvant révéler l'importance des contradictions internes et externes comme facteurs d'évolution des civilisations ? II) Au niveau externe, tout d'abord, sa pensée apparaît comme une vive critique du phénomène de colonisation. A partir du moment où une civilisation va se complexifier, gagner en degré par les échanges avec l'extérieur c'est à dire en acceptant et en assimilant certaines caractéristiques d'autres civilisations, la colonisation qui, au contraire, écrase les autres civilisations apparaît comme un véritable non sens et ce, à double titre. [...]

[...] Or, si plus rien n'est stable, la civilisation est vidée de son contenu, elle n'assimile plus rien et donc elle disparaît. On le voit avec la mondialisation : alors les civilisations tendent à disparaître ou à se fondre (ex : civilisation Occidentale, Union Européenne s'opposant à la civilisation française) à tel point qu'aujourd'hui, dans le langage courant, le terme de civilisation est plutôt employé pour parler du passé : on parle plutôt de civilisation grecque ou Egyptienne (et non de civilisation Nord Américaine). [...]

[...] Par ailleurs, les civilisations sont aussi et avant tout des continuités. C'est là la lacune principale de la phrase de Valéry. En effet, le Japon a pu bénéficier des échanges car il y a mêlé un passé et une culture jamais reniée. L'Afrique elle, a beaucoup plus pâti des échanges qui ont induit une urbanisation galopante qui a affecté l'ensemble de la société Africaine basée sur un système plus tribal (difficulté d'adaptation du concept d'Etat Nation). Il apparaît aussi que l'échange est difficile à établir et peu courant (protectionnisme très répandu) : on échange que quand on est fort (ex : GB). [...]

[...] Dès lors, deux problèmes se posent : pour qu'une civilisation gagne en degré, bref, pour qu'elle évolue (en bien ou en mal), il faut qu'elle voit sa société se transformer, subir des chocs. On ressent alors mieux le fonds de la pensée de Valéry qui nous propose un critère pour reconnaître les différents degrés d'une civilisation. La contradiction permettrait donc aux sociétés d'évoluer et par suite à la civilisation de se transformer. Le but étant d'accumuler les contradictions. Quand on fait de la civilisation un certain degré du progrès de l'humanité, il faut pouvoir dire quoi l'on différencie les peuples rangés dans cette catégorie. [...]