La réponse à une telle question est loin d'être évidente, car s'il est admis qu'au XXème siècle l'homme s'est doté de pouvoirs radicalement nouveaux et démesurés, on pourrait dénoncer la tendance à vouloir moderniser des questions morales immuables et universelles. Il serait scandaleux de considérer qu'elles puissent changer en fonction des découvertes techniques, comme si les hommes du XXIème siècle pouvaient s'excuser d'avance de ne pas pouvoir faire face à la complexité et la nouveauté de ces questions ! Il existe certes un progrès des découvertes scientifiques et techniques, mais la question « quelles sont les techniques qui rendent l'homme meilleur ou pire ? » ou « Qui est responsable des conséquences d'un désastre technique ? » sont des questions pérennes. C'est en prenant leur inspiration dans une morale ancestrale, que certains découvreurs se posèrent des questions et agirent en conséquence : Alfred Nobel, essaya de compenser le mal que l'invention de la dynamite avait causé, en offrant des récompenses aux scientifiques soulageant le genre humain de ses maux ; Jacques Testard sacrifia une prestigieuse carrière en prenant publiquement position dans Le Monde contre la congélation des embryons, Albeit Einstein milita pour la paix et se fit le porte parole de la SDN entre les deux guerres ; Lise Meitner, refusa de participer au projet Manhattan, bien qu'elle eût soif de la reconnaissance de ses pairs.
D'un autre côté, les questions morales restant le plus souvent un événement mental non suivi d'effets, il convient de se demander si elles ont été bien posées depuis le départ, et si justement les nouvelles découvertes techniques ne permettraient pas d'en renouveler la formulation, ne serait-ce que pour pouvoir enfin y répondre clairement et efficacement ! Au lieu des catégories ambiguës du « bien » et du « mal », on préfère aujourd'hui se demander ce qui est en accord ou en désaccord avec les « droits de l'homme » (dont la liste est établi précisément et enrichi régulièrement), le « respect de la nature », la protection des « générations futures ». Dans le film Minority report de Steven Spielberg, l'institution « pré-crime » parvient à arrêter les assassins avant qu'ils ne passent à l'acte grâce à une technique révolutionnaire de pré-cognition. Le système est apparemment infaillible. En réalité, l'inventeur du dispositif l'utilisera pour masquer ses propres crimes et faire accuser des innocents. Cela pose la question morale précise : un système d'anticipation du crime respecte-t-il le droit fondamental des libertés humaines, sachant que sur la base de la réputation de son infaillibilité technique, les accusés n'ont droit à aucun procès et sont immédiatement neutralisés, ils ne pourront jamais se défendre en cas d'erreur ? » Bien qu'il s'agisse d'un film d'anticipation, on voit combien une découverte technique de ce genre, entraînerait des questions plus précises et nouvelles (...)
[...] Nous avons proposé que les citoyens essaient par la force du nombre et du choix circonspect, de ne pas utiliser les techniques sans naïveté en comprenant les enjeux technocratiques. On peut toujours opposer à ce programme optimiste la réalité décourageante de notre dépendance à la technique, mais aucun dieu ne nous impose la logique de la technique, ce sont toujours des hommes qui doivent entrer en lutte contre d'autres hommes pour ne pas se laisser dominer par la dernière découverte à la mode. [...]
[...] ne suis pas responsable de rien de tout cela n'est ma faute Pour les philosophes, il ne faut pas forcément prendre les règles morales au pied de la lettre, mais autant que possible se poser des questions en son âme et conscience pour mesurer la part de responsabilité qui nous incombe. Pour répondre à des questions morales, il faut au moins nous interroger sur les motivations des découvreurs de techniques et sur celles de ceux qui en banalisent l'usage et enfin sur les raisons qui nous poussent à les utiliser. Or il n'y a rien là de nouveau sous le soleil ! Ainsi l'affaire du sang contaminé dans les années 80, mit-elle en scène un dispositif technique sophistiqué pour proposer aux hémophiles des injections régulières d'un facteur de coagulation. [...]
[...] Encore faut-il qu'il admette que les découvertes techniques ne sont pas à son service, comme il a tendance naïvement à le croire. Mais au service de la technocratie. De plus en plus de personnes par exemple. se posent enfin des questions relativement à l'industrie pharmaceutique et cherchent, quand c'est possible, des solutions alternatives à l'allopathie. C'est une attitude qui bien sûr peut parfois être adoptée sans discernement (refus de la vaccination, des traitements chimiques de la psychose), mais parfois, ce sont les médecins eux-mêmes qui incitent à le faire, comme par exemple lorsqu'ils refusent de prescrire autant d'antibiotiques que par le passé, ou qu'ils conseillent à une femme enceinte de ne prendre aucun médicament qui ne soit pas indispensable. [...]
[...] Après que les victimes aient été contaminées par le virus du SIDA, les promoteurs de cette technique ont été jugés et condamnés, car leurs motivations étaient bassement mercantiles. Les médecins peu scrupuleux sont cependant monnaie courante dans l'histoire, puisqu'Hippocrate dans son fameux serment, exigeait des médecins qu'ils acceptent de soigner gratuitement les malades qui ne pouvaient payer ! Dans les pièces de Molière se pose souvent la question de l'honnêteté et de la compétence du médecin. La seule différence, c'est que les victimes autrefois n'avaient pas les moyens juridiques qu'elles ont aujourd'hui pour médiatiser leur préjudice et réclamer des dommages et intérêts. [...]
[...] Une personne qui cherche un emploi n'a pas vraiment le choix, elle doit se familiariser avec des techniques qui sont peut-être dangereuses, et qui sont en tous les cas très coûteuses. Une femme qui attend un enfant a l'obligation de passer des échographies, et son enfant ne recevra pas moins d'une quinzaine d'injections de vaccin durant les cinq premières années de sa vie. Il aura de plus en plus jeune son téléphone portable et son ordinateur pour faire comme les autres, et mangera ce qu'il plaira à l'industrie agroalimentaire de lui proposer ! [...]
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