Dans son roman "Graziella", Lamartine écrit à propos de la parole qu'elle est "la seule prédestination de l'homme et qu'il ait été créé pour enfanter des pensées comme l'arbre pour enfanter son fruit" (III, VII). Cette citation suppose qu'il est dans notre nature de communiquer nos pensées par la parole. Lorsqu'on parle, nous avons en principe l'intention de savoir ce que l'on dit, en tout cas, nous espérons dans un souci de véracité et de minutie que ce que l'on dit est vrai. Parler nous permet de communiquer nos pensées, il peut nous arriver de dire tout ce que l'on a à l'esprit, sans véritablement prendre garde à ce que l'on dit. L'acte locutoire consiste à dire quelque chose, à combiner des sons et des mots auxquels vient s'associer un certain contenu sémantique identifiable au contenu propositionnel. Le contenu de ce que l'on formule est susceptible d'être faux, ce que l'on dit soi-même peut être fait sans forcément avoir l'intention de mentir.
[...] La parole ne reste pas tacite, elle est énoncée, elle paraît scindée entre un sens qui est presque anonyme, celui de mots parmi d'autres et celui de l'intensification de la sentence. La parole d'un individu est une métonymie de ce qu'il est et de ce qui doit être, la parole est un acte exemplaire qui contient la responsabilité de l'engagement qu'elle contient. Lorsque l'on parle on s'engage à être responsable de ce que l'on dit. Il existe une diversité des usages et des fonctions du langage, ipso facto il y a une multiplicité des usages de la parole, on ne peut la réduire à un schéma simple. [...]
[...] Si nos mots sont toujours ouverts sur l'avenir, le passé lui est composé de nos mots, il vit dans nos mémoires grâce à eux. Pour conclure, savoir ce que l'on dit permet d'être capable d'assumer la responsabilité qui découle de nos paroles. Le réel ne s'adapte pas à ce que nous disons à son propos, ce sont nos paroles qui doivent prendre en compte toutes les spécificités et les exceptions du réel. A partir de l'instant où nous ne sommes pas parrèsiaste notre croyance n'est pas vérité, étant donné que nous savons que notre opinion n'est pas nécessairement vérité il paraît donc juste et honnête de ne pas abuser du verbe "savoir" et de ne pas hésiter à reprendre, à rectifier ce que l'on a pu dire dans un souci de vérité. [...]
[...] Lorsque l'on sait quelque chose, on exclut d'emblée la possibilité que le réel ne soit pas au rendez-vous et que cette prétention de savoir soit donc uniquement une prétention. Une connaissance apparente peut s'avérer fausse mais selon l'auteur elle ne méritait pas d'être considérée comme une connaissance, non parce qu'elle n'est pas une connaissance mais parce qu'elle n'aurait pas dû être considérée comme une prétention de connaissance. Il se peut, par exemple, que l'on affirme "je sais que les lattes du lit ne vont pas craquer" alors que de jeunes enfants s'amusent à sauter dessus. [...]
[...] Même si je sais que le lit est très solide, en disant cela j'exclue immédiatement la possibilité que le lit craque à cause d'autre chose, un souci de fabrication ou de montage par exemple. Certaines éventualités peuvent ébranler nos connaissances, il faudrait idéalement que nos connaissances tiennent compte de l'ensemble des éventualités possibles. Notre prétention de connaissance était dès lors problématique car la situation, si les lattes du lit se brisent le réel nous montre que nous avions tort. Dans son ouvrage Must We Mean What We Say, S. [...]
[...] Imaginer une telle conception de la parole nous enjoint à nous demander quelle place pourrait-il rester pour une parole vive et spontanée. Nous allons avancer le point de vue selon lequel il est possible d'être vigilant à ce que l'on dit, d'être une conscience parlante, au sens où nous sommes responsables de ce que l'on dit sans pour autant perdre notre aisance et notre sincérité. Au lieu d'affirmer que nous savons ou que nous prétendons savoir, il paraît plus opportun de dire "je crois" : cette démarche intellectuelle est plus honnête, tant envers soi-même qu'envers nos interlocuteurs. [...]
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