Hannah Arendt, Theodor Adorno, bonne vie, inégalité, mauvais, monde, sphère publique, sphère privée, Judith Butler, régime totalitaire, protection, action, agent, lieu public, condition, Derrida, principe de contamination, Agamben, modernité, cloisonnement, genre
Dans l'Allemagne d'après-guerre, Theodor W. Adorno met face à face notre environnement et nos idéaux moraux : dans un monde mauvais, structuré sur l'exploitation et l'inégalité, comment s'y inscrire et mener une vie bonne ? Qu'est-ce que peut être une “vie bonne” ?
Pour Hannah Arendt, la survie n'était pas en soi un objectif, puisque la vie elle-même n'était pas intrinsèquement un bien. Seule la vie bonne fait que la vie mérite d'être vécue. “Bonne” ne peut pas être prise au sens matériel, mais plutôt comme un impératif moral : refuser la domination, les inégalités et l'invisibilisation. Seulement, toutes les vies ne partent pas des mêmes conditions d'existence, et certaines sont considérées comme ayant moins d'importance que d'autres : on ne pleure pas toutes les morts.
[...] Et s'il y avait, logée au cœur de la loi même, une loi d'impureté ou un principe de contamination Jacques Derrida, La Loi du genre Établir cette frontière fermement relève d'un fantasme : il y a toujours quelque chose d'autre qui brouille et contamine. En essayant de remonter à une typologie distinguant précisément ce qui est et ce qui n'est pas, on risque d'invisibiliser voir d'écraser des situations singulières au nom d'un principe premier. Un certain flottement est nécessaire. Il faut laisser un endroit ouvert, d'incertitude, de fragilité et de tension. [...]
[...] C'est ce qui est considéré comme relevant de la sphère privée. À l'inverse, le bios est ce qui s'extrait de ce qui est à priori naturel, ce qui peut être narré. C'est ce que l'on peut faire pour rejoindre la sphère publique, collective et politique. Le bios appartiendrait à la spécificité de l'humain. Ainsi, pour l'être humain.e, il faudrait sortir des cycles naturels, de la sphère intime, et arrêter la zoe. La nécessité de distinguer public et privé Arendt reconstruit sa philosophie après la guerre. [...]
[...] Pour Arendt, un régime qui utilise la zoe pour modifier le bios est un régime totalitaire. Mais si des personnes, habituellement enfermées par le pouvoir dans leur zoe, utilisent celle-ci pour écrire du bios, il ne s'agit plus du même rapport au pouvoir, et donc ni des mêmes effets. "Cependant, c'est seulement si la pensée est capable de trouver l'élément politique qui se cache dans la clandestinité de l'existence singulière, et si, au-delà de la scission entre public et privé, politique et biographie, zoé et bios, il est possible de dessiner les contours d'une forme de vie et d'un usage commun des corps, que la politique pourra sortir de son mutisme et la biographie individuelle de son "idiotie"." Giorgio Agamben - L'usage des corps - Homo Sacer, IV Modernité et cloisonnement La modernité s'attachait à définir ce qui faisait la marque de l'humain en le dissociant du reste : une capacité politique, l'invention d'un avenir qui se détache de naturel, et une domination sur les autres. [...]
[...] Pendant la Seconde Guerre mondiale, le combat contre Hitler obligeait à complètement repenser la vie quotidienne, intime, personnelle, tout le domaine du privé. Butler : Des modes d'existence inégaux Un espace public inégal Judith Butler montre le danger de la pensée d'Hannah Arendt lorsqu'elle souhaite distinguer absolument vie privée et vie publique. Arendt développe ses idées comme si l'espace public était égal pour tout le monde, ce qui hypertrophie le bios par rapport à la zoe. Cette conception invisibilise le fait que toute société se base sur une distribution inégale de la valeur des vies. [...]
[...] Elles ne peuvent pas apparaître et donc ne peuvent pas être des modèles. Aussi, puisqu'elles n'ont pas de considération, on ne fait pas de deuil, on ne pleure pas leur mort. La zoe et les corps comme lieu politique Ne pas pouvoir écrire son bios, ne pas pouvoir prendre part à l'espace public, c'est aussi un geste politique. Il ne faut pas attendre que ces personnes puissent s'en saisir pour les prendre en compte. Butler montre que la capacité d'agir dans le monde, d'inscrire dans le monde commun, est inégale et dépend de la vie intime et privée. [...]
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