Dieu, religion, liberté, amour, bonté, droit, Nietzsche, Marx, Mukasonga, Frédéric Moreau, L'Éducation sentimentale, André Mathieu
Pour Nietzsche, « il n'y a pas de problème purement intellectuel ». Cependant, si Nietzsche, en écrivant qu'« il n'y a pas assez d'amour et de bonté sur la terre pour avoir le droit d'en prodiguer à des êtres imaginaires », fait état de son inquiétude devant la misère des hommes qui ne prennent pas suffisamment soin les uns des autres, il ne propose pas un plan d'action concret pour pallier la misère humaine, mais seulement une redistribution du « capital » (Marx) « amour et bonté ».
[...] Selon lui, la religion catholique a été remplacée par un humanisme ou un athéisme religieux qui finalement sert le même but. En somme, la religion s'est déguisée en quelque chose d'autre mais existe toujours. D'où, peut-être, le choix de parler « d'êtres imaginaires », au pluriel, sans majuscule, qui n'est pas seulement une provocation de l'ordre du blasphème mais bien une manière d'engager le lecteur à décrypter la religion telle qu'il la connaît bien derrière ce qui ne lui ressemble pas - du moins à première vue. [...]
[...] Pour conclure, il n'est pas possible de parler d'amour et bonté comme d'un « capital », comme semble le faire Nietzsche, et ainsi d'envisager une redistribution de cette richesse dans une logique marxiste. L'amour et la bonté ne sont pas des biens comme les autres, et il paraît difficile de les mesurer. En tout cas, l'amour et la bonté se cultivent eux-mêmes, et si l'on en donne à quelqu'un (même si c'est cet « être imaginaire »), loin de le perdre, on en gagne d'avantage. [...]
[...] Marx signifie par cette formule très connue que la religion a été crée pour endormir les masses populaires afin de les rendre moins propices à se révolter. Donner « amour et bonté » à des « êtres imaginaires » serait alors se rendre complice du maintien de cet ordre établi, et Nietzsche semble d'accord avec Marx pour dénoncer cela. Pourtant, l'auteur de Ainsi parlait Zarathoustra a écrit la célèbre formule « Dieu est mort », entérinant ainsi la fin du christianisme : comment comprendre cette contradiction ? Pourquoi Nietzsche dit-il que l'on gaspille amour et bonté en les donnant à Dieu (et non aux hommes) si par ailleurs Dieu est mort ? [...]
[...] Peut-être, donc, que la présence des religions permettrait de donner plus d'amour et de bonté aux hommes que si celles-ci n'existaient pas. 2. Les « êtres imaginaires » stimulent la bonté et l'amour chez l'homme Le rôle des êtres imaginaires est peut-être d'accroitre le volume de l'amour et de la bonté en l'homme. Le « capital » amour et bonté irait alors en s'accroissant. En effet, en plus de formuler des règles pour les hommes (comme celle de donner), les religions donnent des directions morales à l'homme, parmi lesquelles l'amour et la bonté (« Aime ton prochain comme toi-même », par exemple). [...]
[...] On peut se poser cette question : l'homme, en érigeant des lois morales comme celle-ci, ne tente-t-il pas de se substituer à Dieu, au risque de faire l'objet d'une même dévotion ? Le risque ici est celui d'une dérive vers le totalitarisme, qui, comme l'histoire l'a prouvé, engendre encore plus d'inégalité que les religions. Il y aurait alors à gagner à maintenir les religions, pour que l'homme ait conscience qu'il n'a pas vocation à être lui-même un être supérieur. 3. Un présupposé critiquable : il n'est même pas possible de parler de quantité ou de « capital » d'amour et de bonté L'amour et la bonté sont des biens qu'on ne peut pas compter. [...]
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