Afin de convaincre les députés français du bien-fondé de sa politique coloniale, Jules Ferry en appelle à la mission des peuples civilisés qui est d'apporter la culture aux peuples sous développés.
Cette conception de la civilisation comme le résultat d'une mission civilisatrice soulève le paradoxe inhérent au concept de culture. En effet, ce concept permet de justifier une hiérarchie entre les hommes et la culture permet de classifier, de diviser les hommes selon leurs sociétés et leur degré de culture.
Pourtant, cette mission civilisatrice sous-entend un idéal d'unification entre les hommes à travers le partage d'une même culture. Existe-t-il alors un processus de division inhérent à la culture ou, au contraire, est-elle le moyen d'une unité entre les hommes ? Faire partie d'une culture signifie en avoir intégré les caractéristiques spécifiques, les particularités et originalités vis-à-vis des autres cultures : il y a bien dans cette idée un mouvement de différenciation. Pourtant cette différenciation apparaît comme nécessaire car elle est le fondement d'une unité culturelle et de l'identité de l'individu.
[...] C'est cette définition que donne Levi Strauss dans Tristes Tropiques : L'ensemble des cultures d'un peuple est toujours marqué par un style : elles forment des systèmes''. La pluralité des cultures repose alors sur la diversité des systèmes symboliques et non plus sur une hiérarchie ou un avancement différent.La conception particulariste de la culture développée par Lévi-Strauss voit dans chaque culture un ensemble d'habitudes et de représentations mentales qui sont une variante de la culture humaine. La culture est alors le moyen d'unir les hommes puisqu'il existe des analogies et des homologies entre les cultures. [...]
[...] Par exemple, Levi Strauss va montrer la rationalité de la Pensée sauvage tandis que Ballandier dans son Anthropologie politique montre dans quelle mesure toutes les sociétés produisent du politique. Cette volonté de nier toute supériorité d'une culture sur les autres va aussi animer les théoriciens du multiculturalisme comme Ruth Benedict. Cette approche permet de conserver la notion de progrès inhérente à la culture sans pour autant qu'elle mène à des hiérarchies. Pour ce faire, les multiculturalistes jugent selon un relativisme total : toutes les manifestations d'ordre culturel étant alors valables. Mais une double critique peut être faite à cette approche. [...]
[...] Comment penser alors les cultures dans la diversité sans hiérarchie ni divisions?La pensée des philosophes des Lumières est celle d'un progrès humain universel. La culture est le moyen de la sortie de la minorité'' (Kant), du développement de l'entendement humain et de la raison. Cet universalisme s'illustre avec la pensée de Renan qui dit lors de sa célèbre conférence en Sorbonne Qu'est-ce qu'une nation Avant la culture française, allemande ou italienne, il y a la culture humaine''.Cette vision de la culture est contredite par les écrivains romantiques allemands qui voient dans celle-ci la négation de la diversité culturelle. [...]
[...] La culture relève d'un ensemble d'acquis spécifiques qui seront le moyen pour l'homme de s'identifier. Par exemple, la façon d'exprimer la douleur, qui semble relever de l'instinct de protection, est elle aussi un acquis : le cri de douleur varie selon les différentes cultures et différentes langues. Il y a donc, à travers l'intégration des habitus culturels un processus de différenciation.Se cultiver serait alors se distinguer, se différencier de ceux qui appartiennent à une culture différente et ne vont pas acquérir les mêmes codes. [...]
[...] Autre reproche, le multiculturalisme ne répond pas au problème de la division entre les hommes au sein d'une même culture ou encore au fait que l'individu au sein d'une culture puisse revendiques des appartenances multiples. En effet, la volonté d'unification d'une nation grâce à la culture a montré ses faiblesses. C'est ce que démontre Schneider dans La comédie de la culture, lorsqu'il critique l'inefficacité des politiques culturelles. Selon lui, les grands travaux ou la volonté de créer une nation indivisible autour de la culture des droits de l'homme'' se sont révélés une chimère et un argument politique. Comment alors intégrer la diversité culturelle sans tomber dans les travers d'un relativisme absolu? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture