Ainsi qu'il est présenté dans le mythe de Protagoras, l'homme apparaît comme l'animal le plus démuni : il est dépourvu de griffes pour se défendre ou de carapace pour se protéger. Ainsi, l'homme doit se débrouiller seul et c'est la culture au sens d'excolere qui lui permet de travailler et d'aménager la nature pour y vivre. L'homme ne peut donc survivre ou même vivre dans la nature brute : la culture semble donc s'opposer à la nature car elle la transforme pour s'adapter aux besoins de l'homme.
Par ailleurs, si l'on voit la culture au sens de cultura animi (Cicéron) ou culture de l'esprit, la culture a de nouveau le sens de dépassement de l'état naturel des choses. La culture consisterait donc en l'intérêt porté à ce qui n'est pas directement nécessaire, ce qui n'est pas du domaine du donné brut : c'est-à-dire instaurer une distance par rapport à la nature. Pour autant, cette prise de distance ne signifie pas rupture totale avec la nature car l'homme cultivé n'évolue pas dans un monde totalement recomposé par sa main.
[...] Se cultiver serait donc le processus par lequel l'homme rejetterait sa condition animale. L'homme cultivé est celui qui use impérativement de sa raison fuyant ses pulsions en tant qu'elles sont le signe de ses racines animales. Par quel processus y parvient-il ? Ce processus passe par une violence de l'homme exercée sur lui-même, une discipline qui permet une meilleure maîtrise de soi. L'homme va devoir opérer une médiation de ses pulsions pour établir une séparation nette entre l'immédiateté brute de la nature et la culture. [...]
[...] Mais, se cultiver ne signifie pas non plus refuser l'irruption de tout élément naturel. L'homme ne peut se défaire de sa part d'immédiateté qui fonde finalement son humanité. C'est ce que critique Levi Strauss lorsqu'il décrit le rapport à la nature des Mbaya : ''Par leurs peintures faciales comme par leur pratique de l'avortement et de l'infanticide les Mbaya exprimaient une même horreur de la nature.'' Cette société est fondée sur la nécessité constante de distinguer ce qui relève de la nature et ce qui relève de l'animalité. [...]
[...] L'homme ne se contente donc pas de cet état premier et il opère une rupture entre sa culture et sa nature. Cette rupture pourrait s'illustrer dans la violence sacrificielle que contiennent les rites initiatiques. En effet, ces rites sont bien le moyen du passage du monde de l'enfance au monde adulte, et donc du monde naturel au monde culturel. Dans son ouvrage La société contre l'Etat, Pierre Clastres étudie ces rituels et démontre la nécessité que constitue la souffrance Dans les sociétés primitives, la torture est l'essence même du rituel d'initiation.'' Il prend l'exemple du jeune guarani donc on laboure le dos sur toute la surface et souligne que cette violence n'est ni barbare ni gratuite. [...]
[...] Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme''. La nature est donc nécessaire à la formation morale et humaniste de l'homme et la culture ne doit pas évacuer la nature mais constituer pour l'individu une seconde nature. Conclusion L'être culturel est donc l'être le moins naturel qu'il soit c'est-à-dire l'homme. Se cultiver est bien le moyen d'organiser le magma informe de la nature et de médiatiser son rapport au monde pour ne pas rester dans la simplicité originelle. Pour autant, on ne peut pas voir dans la nature l'opposé de la culture dans la mesure où l'homme cultivé n'est pas un homme sans nature. [...]
[...] La culture est-elle artificialisation systématique voire déni de la nature? Comment la culture est-elle formation de l'homme en tant qu'elle devient pour lui une seconde nature? L'homme, dans son état premier est démuni face à la nature car il n'est doté d'aucune arme pour sa survie et d'aucune protection pour s'adapter au milieu dans lequel il vit. Il doit alors tout construire et développer de ses mains pour dépasser cet état premier et survivre. L'homme est donc d'abord homme en puissance et le devient en acte grâce à la culture. [...]
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