Le «miracle grec» qui marque la rupture du mythos avec le logos jette un discrédit durable sur la croyance naïve (doxa) au profit de la raison et de la connaissance (epistemé). Cet héritage antique est encore présent aujourd'hui puisque la croyance apparaît d'emblée comme un assentiment incertain et subjectif par opposition à la certitude objective du savoir, dont l'évidence est fournie par la raison et corroborée par l'expérience.
Ainsi, la croyance est communément critiquée car assimilée à une attitude irrationnelle, c'est à dire contraire à la raison: elle semble être erronée. Mais, d'autre part, la croyance apparaît comme une conviction intime de l'individu à laquelle répond un engagement de l'être: l'homme a besoin de croire, ou du moins il désire croire.
[...] Mais le problème est le suivant: croire que toute croyance est une illusion n'est-il pas une illusion? Et en conséquence, peut-on retrouver une certaine positivité de la croyance? L'enjeu de notre parcours est de définir la nature de la croyance afin de déterminer quelle attitude il faut adopter vis à vis de la croyance et quel sort il faut lui attribuer. Notre cheminement dans les aventures de la pensée s'articule autour de trois axes de réflexion. D'abord, la croyance apparaît foncièrement et fatalement comme une illusion et ainsi le philosophe se doit de rejeter cette croyance-illusion tout à fait négative. [...]
[...] Par conséquent, il est nécessaire que je crois au progrès et à la paix pour qu'à ma conviction profonde réponde un engagement de tout mon être. Comment croire alors que la croyance, en tant que foi morale, puisse être une illusion? C'est plutôt l'inverse, il serait illusoire et dangereux de ne pas croire en quelque chose. La foi rationnelle est la foi du philosophe. L'existence de Dieu, qui peut apparaître pour le mécréant comme une croyance illusoire, peut être démontrée par le philosophe. [...]
[...] La croyance est d'abord une foi morale de la raison pratique. La célèbre distinction de Kant, dans le canon de la Critique de la raison pure, entre le croire (Glauben) le savoir (Wissen) et le penser (Meinen), permet de définir la croyance comme un mixte d'insuffisance objective et de suffisance subjective. Théoriquement, l'adhésion au vrai est relative, mais pratiquement elle est absolue, que les fins soient contingentes ou arbitraires (circonstanciel) ou absolument nécessaires (moralité). Ainsi, je dois tenir pour vraie une loi morale, dont l'impératif est fixé par la raison: volonté de vertu et finalité de bonheur. [...]
[...] Mais alors, le phénomène de croyance n'est en lui-même nullement opposé à la raison ou au savoir. Au contraire, Bachelard dans La formation de l'esprit scientifique montre que la croyance est nécessaire à la connaissance car celle-ci repose fondamentalement sur la croyance en la raison. L'inspecteur a des soupçons et fait des suppositions, l'économiste fait des prévisions, le chercheur émet des hypothèses, le mathématicien admet des présupposés Ces croyances ou conjectures sont susceptibles d'être vraies ou d'avoir un certain fondement objectif et sont dans l'attente de vérification ou de justification. [...]
[...] La croyance est enfin un fantasme car les idées religieuses consolent la détresse de l'enfant qui sommeille en chaque homme. Dans l'Avenir d'une illusion, Freud ravale les dogmes religieux à de simples illusions, des mythes créés par la civilisation afin de compenser l'impuissance de l'homme à réaliser ses désirs infinis. Par exemple, la topique et la dynamique freudienne expliquent l'illusion amoureuse par l'hypothèse de l'inconscient: un amoureux qui que la femme qu'il aime ne l'aime pas croit néanmoins qu'elle aime par auto-défense psychologique du surmoi qui censure et refoule dans le ça une croyance contraire au moi. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture