Dans la philosophie du XVIIème siècle encore, l'homme était pensé à partir de Dieu et, si l'on ose dire, après lui. C'est cette hiérarchie, dans laquelle Dieu venait logiquement, moralement et métaphysiquement avant l'homme, que l'apparition des sciences modernes en même temps que celle d'un espace laïque a aboli. A partir du siècle des Lumières, le primat de l'homme se voit affirmé. On assiste à un véritable « désenchantement du monde », et les problématiques éthiques les plus contemporaines en portent témoignage : c'est l'homme en tant que tel qui apparait aujourd'hui comme sacré.
Si la croyance est un terme dont la portée est plus psychologique que logique, désignant, dans son acceptation la plus large, l'attitude de l'esprit qui adhère à un énoncé ou à un fait, sans pouvoir en administrer de preuve complète, c'est aussi dans son plus haut degré l'affirmation d'une transcendance dont l'existence est rationnellement indécidable. En effet, croire en Dieu, c'est croire en son existence. Mais l'existence de l'homme est un fait, comment serait-elle l'objet d'une foi ? S'agissant de l'homme, la question ne porte donc pas sur son existence, mais sur sa véritable essence, sur les valeurs humaines, sur cette dynamique de dépassement qui permet à l'homme de s'élever au dessus du donné, de prendre l'ascendant sur Dieu. Et ce point semble, aujourd'hui plus que jamais, incontestablement problématique : au Rwanda, au coeur de l'horreur, un jeune journaliste déclare : « Je ne me pose même pas la question de savoir s'il faut croire en Dieu. Pour moi, ici, à Goma, la question est de savoir si l'on peut encore croire en l'homme ». En effet, comment peut-on croire en l'homme, sachant qu'un jour, des hommes ont imaginé et organisé Auschwitz, et que demain, des savants pourront peut être reproduire à l'infini, grâce au clonage, des individus tous identiques ? L'homme étant par ailleurs un concept abstrait, puisque l'on rencontre des hommes, mais non l'homme, peut-on croire en cette transcendance, peut-on croire en la nature humaine ? La dignité de l'homme est-elle métaphysique ? (...)
[...] Dissertation : Peut-on croire en l'homme ? Dans la philosophie du XVIIème siècle encore, l'homme était pensé à partir de Dieu et, si l'on ose dire, après lui. C'est cette hiérarchie, dans laquelle Dieu venait logiquement, moralement et métaphysiquement avant l'homme, que l'apparition des sciences modernes en même temps que celle d'un espace laïque a aboli. A partir du siècle des Lumières, le primat de l'homme se voit affirmé. On assiste à un véritable désenchantement du monde et les problématiques éthiques les plus contemporaines en portent témoignage : c'est l'homme en tant que tel qui apparait aujourd'hui comme sacré. [...]
[...] On doit croire en la raison de l'homme qui se fixera ses propres limites. Les tensions internes à l'homme nous conduisent non pas à y renoncer, mais à les reprendre . Par-delà une essence absolue qui couperait l'homme des autres vivants, mais aussi d'une réduction simpliste, qui abolirait sa singularité, il convient de comprendre la relation, et la rupture, qui singulariseraient le vivant humain. Il y a bien une expérience morale dans la vie humaine même. L'expérience humaine n'est plus directe, selon le principe de la culture classique Rien d'humain ne nous est étranger Il y a aussi, désormais, une croyance en l'homme qui dirait : Rien d'inhumain ne nous est étranger Mais ces deux conceptions supposent cette culture de l'humain, en nous et entre nous, tendue, déchirée, mais d'autant plus nécessaire. [...]
[...] C'est pour cela que même dans le mal, l'homme est responsable de ses actes. Le choix pour le mal se joue d'abord dans le choix de sa maxime suprême au-delà de laquelle on ne peut remonter, qui est l'acte par lequel l'être humain doué de libre arbitre se donne à lui-même un caractère intelligible et détermine ainsi la loi de causalité de son vouloir. Dire que le mal est un penchant naturel n'est possible qu'en le rapportant à une nature que l'homme se donne à lui-même. [...]
[...] Insémination artificielle, clonage, expérimentations sur l'embryon humain, médecine prédictive, fécondations in vitro Jamais les barrières traditionnelles n'avaient autant été mises à mal, et jamais le progrès des sciences et des techniques n'avait suscité des interrogations d'une telle ampleur morale : tout ce passe comme si le sentiment du sacré, malgré la mort de Dieu subsistait sans que, pour autant, la spiritualité ou la sagesse qui devraient lui correspondre nous soient données écrit Luc Ferry. Le fait que ces pouvoirs soient à l'entière disposition de l'homme est en soi un problème majeur, puisqu'il ne maitrise pas les effets possibles de ses interventions sur sa propre nature La laïcisation du monde semble rendre plus tangible encore le sentiment du sacré : elle le déplace vers l'homme et l'incarne en lui. En effet, le corps humain est rendu sacré, l'on pose des limites au développement des recherches scientifiques. [...]
[...] C'est la philosophie de Levinas qui va réinventer la façon de croire en l'homme. En changeant la donne vis-à-vis de la religion, Levinas renouvelle la situation intellectuelle. L'humanisme était perçu comme le cheval de bataille de la religion, et celle-ci comme un obstacle au rationalisme et au progrès social. Levinas redéfinit la religion comme le lien du même à l'autre ne composant pas totalité, respectant l'autre en tant qu'irréductible : l'homme rejoint l'autre homme sans l'envahir ni se laisser engloutir en lui. [...]
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