Les philosophes du 19e siècle comme Constant, Tocqueville ou Mill s'attachent à penser la démocratie au sens large, non seulement comme le régime politique qui donne le pouvoir au peuple, mais comme égalisation des conditions, avènement d'un individu libre détenteur de droits inaliénables et affirmation par ceux-ci d'une humanité universelle dénaturalisée, ne se définissant plus d'abord par l'inscription dans une tradition. Elle est bien sûr critiquée mais moins dans sa dimension d'idéal que dans ce qui menace de s'accomplir dans ses conséquences extrêmes : despotisme étatique, apathie politique; ou dans ce qui menace de ne pas s'accomplir dans ses insuffisances quand elle semble ne pas réaliser ses promesses.
Nietzsche va bien plus loin, il ne se contente pas de pointer des dangers hypothétiques ou réels à l'intérieur de la démocratie mais la rejette radicalement en tant que telle. Ce rejet massif se trouve à l'intérieur d'une remise en question beaucoup plus globale de la « modernité » et de ce que celle-ci nomme ses valeurs. Il s'agit de comprendre au nom de quoi Nietzsche opère ce refus.
[...] Les esclaves sont donc une condition nécessaire dans la mesure où ils assurent par leur travail les conditions de survie matérielle des plus forts, mais surtout par leur existence même ils assurent le sens de la distance nécessaire à la création de valeurs supérieures. Ce sens de la distance se définit contre la morale grégaire du troupeau. Il consiste à comprendre la séparation de l'humanité en catégories, en castes : une séparation des êtres qui correspond à une séparation des devoirs et des responsabilités. [...]
[...] Sous couvert de faire de chaque homme l'égal de tout autre, les individus deviennent interchangeables voués au travail, à l'intérêt général si tous les individus ont la même valeur, les mêmes droits : il n'existe plus d'individualité, mais là encore un troupeau. En réalité l'individu ne se définit que par rapport à une société aristocratique de laquelle il est l'aboutissement. Seuls les esprits libres des nobles peuvent s'affranchir de l'autorité et de la tradition qui est nécessaire pour tous les autres. [...]
[...] La critique nietzschéenne de la démocratie : (Généalogie de la morale, 1ère dissertation) Par delà le bien et le mal, Qu'est-ce qui est noble ? 257- 267) Les philosophes du 19e siècle comme Constant, Tocqueville ou Mill s'attachent à penser la démocratie au sens large, non seulement comme le régime politique qui donne le pouvoir au peuple, mais comme égalisation des conditions, avènement d'un individu libre détenteur de droits inaliénables et affirmation par ceux-ci d'une humanité universelle dénaturalisée, ne se définissant plus d'abord par l'inscription dans une tradition. [...]
[...] Si le noble paraît sauvage, dangereux, imprévisible et incontrôlable, c'est du fait de la vision des faibles qui valorisent la raison comme moyen de maîtriser ce qui leur échappe ainsi qu'on le verra plus bas. De même l'orgueil n'est pas la vanité caractéristique de l'homme faible : l'orgueil est la foi en soi même : le fait de savoir d'une manière certaine, innée, évidente parce qu'inscrite dans la nature même des choses que l'on est supérieur ; la vanité est le fait de se soumettre à toute bonne opinion d'autrui sur soi après l'avoir provoqué. [...]
[...] La nature de l'homme est guerrière pour Nietzsche, et les valeurs qui l'expriment le mieux sont : l'empire sur soi-même, la sévérité, un cœur dur, l'orgueil de soi même, le mépris à l'égard de la compassion Que signifient-elles ? Le noble n'est pas l'homme qui doit suivre ses penchants et ses passions avec toute sa force, tel que le pensait Calliclès : cet homme-là est déréglé et subit des forces qui le dépassent, or la vie est équilibrée de forces qui s'autorégulent, en ce sens le maître est en premier lieu maître de lui-même. [...]
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