La conception hobbesienne du contrat social, présentée dans le Léviathan, s'inscrit dans une logique sécuritaire. Le Léviathan est un monstre biblique tout puissant qui est son propre maître. Hobbes emploie le mot Léviathan pour l'associer à l'état.
L'état de nature est anarchique et violent : "l'Homme est un loup pour l'Homme". Guidé par son instinct de conservation, l'homme cherche à préserver sa vie. Le contrat social intervient donc pour assurer la sécurité, c'est-à-dire au fond la vie de chacun, en restreignant la liberté et les droits des individus. Il est "signé" entre l'homme et le Léviathan : l'homme lui remet une partie de sa liberté. L'état est Léviathan car il est un homme artificiel, doué d'une âme artificielle, infiniment plus puissant, mais aussi plus raisonnable que les individus livrés à eux-mêmes qui va assurer la protection de chacun. L'origine du pouvoir est donc artificielle et humaine. Hobbes prévoit toutefois un droit de résistance aux abus de l'État, lorsque ce dernier met en péril la vie de ses sujets. La vie peut être en effet invoquée comme principe supérieur à la valeur du contrat, car c'est pour sa sauvegarde que l'État a été instauré (...)
[...] Alors que faut-il faire ? Il faut surtout éviter le pire des maux, c'est-à-dire le sommeil des citoyens, éviter cette vision de Tocqueville : C'est ainsi que tous les jours l'Etat rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre ; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu'à l'usage de lui-même. [...]
[...] Le mal est-il véritablement consubstantiel à l'Etat, ou n'est-il qu'un accident évitable ? Si dans l'essence même de l'homme surgit la nécessité de l'Etat, si l'homme ne peut se penser en-dehors d'une société organisée par des institutions et des lois, alors il n'y a plus de questionnement possible de la légitimité de l'Etat. Aristote qualifie l'homme d'animal politique ; celui qui vit hors de la cité est soit un être dégradé, soit un surhomme, car la communauté résulte du partage des sentiments de justice et de bien, inhérents à l'homme. [...]
[...] Benjamin Constant démontre effectivement dans ses Ecrits politiques que l'aliénation à la communauté prônée par Rousseau dans Du contrat social ne permet pas de réaliser l'égalité désirée : pour que s'exerce la souveraineté du peuple, il faut bien des représentants, qui n'ont plus le même statut que les autres individus. L'Etat est par nature inégalitaire. D'autant plus que son fondement démocratique n'est pas solide : Hume n'hésite pas à mettre en cause la liberté du peuple en soutenant que c'est sur l'opinion que tout gouvernement est fondé ; la légitimité de l'Etat tyrannique ou de l'Etat démocratique est le fruit d'une longue accoutumance, du processus de formation de l'opinion. [...]
[...] Cette absorption de l'individu dans la totalité de l'Etat n'est-elle pas une expression exacerbée du mal, dans le sens où l'individu perd l'expérience de sa subjectivité et la capacité de déterminer seul le sens de son existence ? L'Etat s'oppose-t-il aux vocations des individus ? En se présentant comme absolu légitime, n'emprisonne-t-il pas le sens de la morale ? Il faut tâcher de saisir, au- delà de sa nécessité, ce qui dans l'Etat peut être jugé bon ou mauvais, et comprendre les contradictions qui fragilisent sa moralité. D'ores et déjà, certaines organisations sociales, exemptes de lois et d'institutions, semblent récuser la nécessité absolue d'une présence de l'Etat. [...]
[...] Le jeu des équilibres devient la condition de la lutte contre la déviance de l'Etat vers le mal. Ainsi, l'Etat ne doit pas être confondu avec l'ordre ; il est le siège de tensions terribles, et lorsqu'un de ses fondements se brise, toute la machine est emportée vers l'intolérable tyrannie du pouvoir souverain. Il est possible d'éviter le mal, c'est même nécessaire, mais pour cela il faut maintenir les équilibres. Il faut laisser respirer les âmes sans promouvoir l'anarchie ; il faut garantir la dignité de tous sans affecter la liberté de certains. [...]
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