En guise d'introduction, j'ai cru intéressant d'aller m'intéresser aux couvertures des magazines en kiosque. Plusieurs exemples : Marie Claire parle du « Retour de la féminité » ; Isa nous présente le « Best du Sexe » ; Santé Magazine nous explique « comment atteindre l'orgasme féminin ». Le corps, quelle que soit la dimension à laquelle on touche, semble donc être au centre des préoccupations des lectrices de cette presse pour le moins répandue. Il faut noter cependant l'émergence depuis plusieurs années d'une presse masculine qui révèle également des préoccupations somatiques chez les hommes : Men's Health nous donne la « méthode pour être aussi affûté que Stéphane Peyron à 44 ans » ; FHM, toujours dans la finesse, nous explique « comment faire l'amour comme une lesbienne ».
Au delà des rubriques mode, diététique ou maquillage, on peut s'interroger sur l'attention quasi unanime portée aujourd'hui sur le corps et sur ses significations. Il est intéressant de voir que le discours actuel sur le corps est multiple. On a d'une part tous les propos développés notamment par les magazines précédemment cités qui encouragent l'entretien corporel en liant celui-ci au bien-être général sur le modèle du « mens sana in corpore sano ». Le corps est alors vu comme « objet de salut », selon les termes de Jean Baudrillard, qui mérite toutes les attentions qu'on puisse lui donner. D'autre part, il y a également une réaction, parfois violente, envers la dictature du physique et son caractère excluant, tandis que certains vont même jusqu'à revendiquer « l'obsolescence » d'un corps devenu inutile à leurs yeux.
On peut donc se demander quelle signification donner à l'enveloppe corporelle dans une société dans laquelle le « look », l'image et la santé dictent nos comportements. En premier lieu, nous verrons que le corps est un référent ambigu, pour ensuite s'intéresser à l'évolution des points de vue sur l'organisme.
[...] Le corps en tant qu'il incarne l'homme est effectivement la marque de l'individu, le lieu de l'image qu'il donne et qu'il veut donner. Le corps est aujourd'hui un élément de différenciation individuelle, un autre soi avec qui il faut cohabiter, et qu'il faut donc tenter de façonner selon son goût. B. Du glamour à l'exclusion : normes et déviances corporelles Il faut cependant se poser la question de l'origine de ces goûts. Les médias jouent sans aucun doute un rôle essentiel dans l'imposition de modèles corporels à la société. [...]
[...] Ce qu'on appelle par exemple les canons de beauté n'est pas une vérité fixe, si tant est qu'on puisse y voir une forme de vérité (de toutes façons, ce qui compte, c'est avant tout la beauté intérieure, la preuve : Domitille a un mec C'est ce dont témoigne la peinture qui nous montre que le corps, selon les lieux et les époques, fut jugé beau selon des critères différents. La Vénus peinte par Rubens au XVIIème siècle serait ainsi qualifiée d'enrobée, voire d'immonde grosse truie selon des critères plus actuels. De même, il existe des régions dans le monde où la beauté est plutôt associée à la rondeur qu'à la minceur. Le corps est donc avant tout une représentation. [...]
[...] Pour illustrer ce propos, on peut prendre l'exemple du vieux sein développé par Jean-Claude Kaufmann, les personnes âgées pratiquant le bronzage seins nus étant régulièrement qualifiées d'impudiques voire d'exhibitionnistes par les personnes qu'a interrogé le sociologue. Mais la déviance peut également s'appliquer à des critères anatomiques tels que la couleur de peau, conduisant inévitablement à des discours racistes. Un exemple extrême : lors de la période nazie, pour identifier les juifs, les médecins procédaient à de savantes mesures du nez, de la bouche, du crâne etc. L'étoile jaune poussera la logique à son terme : le juif ne disposant pas de signe corporel susceptible de le singulariser, une marque extérieure le dénoncera de manière visible. [...]
[...] Ainsi, dans toutes les circonstances de la vie sociale, une étiquette corporelle est de mise, et l'acteur l'adopte spontanément en fonction des normes implicites qui le guident. En cela, chaque acteur s'attache à contrôler l'image qu'il donne, en fonction de l'interlocuteur et du contexte. Ce qui n'est évidemment pas sans embûches, le corps devenant parfois un véritable handicape à la communication. Je parle de communication car il est évident que celle-ci ne se réduit pas à la parole mais est également associée aux signaux du corps. [...]
[...] Le corps : un référent ambigu 1 Un objet pluridisciplinaire Pour rendre compte de l'ambiguïté du regard sur le corps, on peut en premier lieu faire un détour historique et se pencher sur différentes conceptions qui ont émaillées le cheminement humain. Si l'on s'intéresse à la pensée antique, on voit que, dès les présocratiques, une tradition de soupçon à l'égard du corps émerge. Pour Platon, le corps c'est le tombeau de l'âme, le moteur de ces sens qui nous trompent. C'est le symbole absolu du monde sensible et de l'entrave à la connaissance réelle. Ce dégoût du corps va par la suite être institutionnalisé par le christianisme qui fait du corps un lieu de péché et de décadence. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture