Dissertation de Philosophie (bac +3) sur le corps.
[...] Loin d'tre libéré, le corps serait donc soumis à de nouvelles normes. Il nous faut rendre compte de ce paradoxe, car comment comprendre que nos sociétés modernes, qui ont fait de la libre disposition de son propre corps un principe et une conquête essentiels, puissent être en même temps celles où ce corps apparemment libéré semble saturé d'impératifs sociaux et de projets personnels ? Si la libération du corps, sans laquelle l'idée de liberté individuelle n'a ni sens ni réalité, équivaut encore et toujours à un asservissement aux normes sociales, faut-il alors en conclure que le corps ne peut jamais être le vecteur d'une libération personnelle et que celle-ci passe par l'esprit et par l'esprit seul ? [...]
[...] Aussi ne peut-il y avoir esclavage que par la contrainte, sans quoi ce n'est plus de l'esclavage, mais une sujétion librement consentie. De là vient que nos lois interdisent le proxénétisme, mais non la prostitution, l'esclavage et le travail forcé, mais non le salariat. Pourtant, comme le montre l'exemple de la prostitution, l'écart reste mince entre ces différentes catégories : avoir la libre disposition de son corps, est-ce pouvoir le vendre ? Est-ce pouvoir en user selon son bon vouloir ? [...]
[...] Comme l'écrivait Descartes, le vrai homme ce n'est pas l'esprit, ce n'est pas non plus le corps, c'est le composé de corps et d'esprit, c'est la personne tout entière, qui n'a pas seulement un corps, qui est aussi un corps, mais un corps dont elle peut régler l'usage et codifier les plaisirs. Ces choix ne peuvent être éludés, sauf à substituer une nouvelle norme à la précédente. Car ce qui fait la grandeur du personnage du libertin, le Dom Juan de Molière en tête, ce n'est pas la vie qu'il mène, c'est n'est pas l'usage du corps qui est le sien, c'est simplement qu'il a choisi la vie qu'il mène et les plaisirs auquel il s'adonne. Don Juan est libre. [...]
[...] Le conditionnement social des comportements corporels impliquerait ainsi une intervention politique corrective. Mais cette volonté corrective même est ambiguë : s'agit-il de rendre sa liberté à l'individu en le rendant conscient des risques qu'il prend en adoptant tel ou tel comportement ou de l'amener à adopter un comportement donné, considéré comme le seul qui soit socialement, voire même moralement, acceptable ou rationnel ? User librement de son corps, est-ce pouvoir en faire n'importe quoi, pourvu qu'autrui ne soit pas menacé, ou est-ce faire un certain usage de son corps ? [...]
[...] Il s'agit tout simplement de se construire soi-même par l'exercice du corps, de se faire et non pas de se libérer. Par là se révèle le véritable rapport au corps, qui est un rapport à soi singulier, puisque nous sommes notre corps, alors même qu'une certaine distance existe entre ce corps que je suis et ce que je crois être, distance qui est patente quand mon corps m'chappe, et qui peut être réduite par l'exercice de construction de ce que je veux être tout entier. [...]
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