Le corps humain dans les sociétés occidentales est couramment compris comme un objet
relevant seulement de la biologie ou de la physiologie. Sa réalité matérielle doit être pensée d'une
façon indépendante des représentations sociales. Cette représentation résulte de la longue tradition
philosophico-religieuse de la séparation de l'âme et du corps pour laquelle ce dernier seul appartient
au domaine de la connaissance objective, tandis que l'appréhension du psychisme serait soumise à
la fluctuation des représentations. Cependant des travaux anthropologiques et historiques (comme
ceux de Philippe ARIES, par exemple) ont décrit l'extrême variabilité, selon les sociétés, des
conceptions du corps, de son traitement social, de sa relation avec autrui et avec le monde, la pensée
occidentale n'apparaissant en cette matière pas plus « rationnelle » que celle des sociétés
« primitives ». Pour ces dernières, en effet, le corps est l'un des éléments constitutifs de la personne,
c'est-à-dire un système de représentation de l'être humain. De fait, en considérant le corps comme
un élément parmi d'autres au sein de systèmes symboliques variables, comme participant à
l'édification d'une personne sociale, d'un membre conforme à l'image que son groupe institue
comme normale, ces sociétés se trouvent dans une perspective radicalement différente de celle des
conceptions modernes, pour lesquelles le corps est une totalité autonome. Représenté en
permanence, découvert dans sa nudité (alors qu'il était surtout caché), instrumentalisé en tant que
véhicule marchand, il est l'objet de toutes les attentions. Il devient un véritable objet de culte,
sculpté, modelé en fonction de la représentation de soi que l'individu veut donner. A ce titre, il est
emblématique du moi : à un moi narcissique surdimensionné se trouve ainsi associé un corps hyper
médiatisé.
[...] Points de repère Le moi est aujourd'hui survalorisé. Il reflète le recentrage de l'individu sur sa sphère privée pour se protéger d'un sentiment diffus de vacuité des valeurs des sociétés occidentales. Il se traduit par des comportements centrés sur soi qui expliquent le succès de toutes les techniques psychologiques pour être bien dans sa peau être bien avec soi que marque la diffusion grandissante d'un magazine comme Psychologies Ce phénomène, qui confine à un véritable culte du moi doublé d'une attention toute narcissique à son corps, risque de produire un délitement du lien social. [...]
[...] En parallèle, la révolution industrielle et les idées positivistes font émerger l'idée que l'Homme est capable de comprendre la nature et qu'il est en mesure de s'en rendre possesseur et maître C'est l'homme qui soumet la création à son bon vouloir et non le contraire. La critique de la religion en découle naturellement. L'organisation de la société ne doit rien au divin, mais relève de la volonté des individus. Dans le domaine culturel, les sociétés occidentales réservent une place importante à l'individu. Au travers de l'introspection, du romantisme, des biographies, le moi est tour à tour célébré, mis en scène, analysé (par les premiers psychologues). [...]
[...] Cette marchéïsation du corps en fait un corps exploité voire détourné Un corps exploité Le corps se vend. Le corps fait vendre. Il est l'objet de toutes les exploitations mercantiles : v Bien sûr, la prostitution en est l'exemple le plus topique; pour autant, elle n'est pas un phénomène récent. L'explosion de la pornographie, permise par les nouveaux supports médiatiques (cassettes vidéo dans les années 80, aujourd'hui les DVD et l'internet), offre un marché du corps sexuel quasiment sans limites. v Si par ces moyens le corps est vendu, le sexe fait vendre tout autant. [...]
[...] Ce même phénomène se retrouve dans le show-business où vendre son corps à travers des lignes de vêtements est devenu une activité rentable (cf. les lignes de vêtements ou d'autres produits qui empruntent des noms de vedettes ou y sont associés). Le corps malade est également un marché fort rentable. La maladie qui fait vendre est tant physique que psychique. v La volonté de soigner le corps, si elle est légitime, peut conduire à des dérives qui transforment le corps de l'autre en marchandise. C'est le trafic d'organes, la recherche non encadrée sur le clonage thérapeutique etc. [...]
[...] Le sport, s'il est pratiqué pour lui-même (cf. la fiche qui traite ce thème), procède aussi de cette attention apportée au corps. Il permet tant de le maintenir en bonne santé que de le sculpter pour le rendre conforme aux modèles véhiculés par l'ensemble des médias, télévision en tête. v Enfin, le corps est cultivé par sa mise en scène. Il est l'expression de soi : un beau corps, qui est aujourd'hui nécessairement un corps maigre, traduit nécessairement une belle âme. [...]
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