Dissertation de Philosophie sur l'appartenance du corps.
[...] Le simple fait de dire corps” semble montrer que je refuse de m'assimiler à mon organisme, que je ménage une distance entre lui et moi, que je me conçois comme “excédant” la biologie. corps m'appartient”, suis mon corps” : il s'agit, en fait, de deux impasses parallèles. Observons que dans les analyses précédentes une dimension essentielle de la vie humaine a été oubliée : la relation au monde. Je ne suis pas une pure conscience isolée, close sur elle-même, comme pourrait le suggérer une lecture trop superficielle de Descartes. Mon existence est nécessairement ouverte sur un monde. Etre conscient, c'est toujours être conscient de quelque chose, d'un extérieur à soi. [...]
[...] Nous ne sommes objets que pour autrui. Mon corps n'est pas un pour moi parce que je ne suis pas un esprit “pilotant” un corps mais, comme la biologie moderne le montre, une unité organique. Il n'y a plus à rechercher où peut bien se un principe spirituel. Un corps vivant est, pour reprendre l'expression d'Aristote, une qui “informe” structure) une matière. Il gardait le même mot que Platon, mais lui donnait le sens de “fonction vitale”. Un mort ne mérite même plus ce nom. [...]
[...] Si le corps est un outil, c'est que quelqu'un s'en sert. Ce “quelqu'un”, c'est ce que les penseurs dualistes nomment Affirmer corps m'appartient” sous-entendrait ainsi que mon âme (c'est-à-dire moi-même!) l'habiterait, le gouvernerait et l'utiliserait. Platon n'hésite, d'ailleurs, pas à définir l'homme comme qui se sert du corps”. Selon Platon, en effet, le corps symbolise le savoir sensible (les la dispersion et la mortalité, alors que l'âme est une, immortelle et savante. C'est elle le maître, lui l'esclave. Il n'y a pas de véritable vie sans une “évasion” du corps. [...]
[...] Serait-ce la conscience? La pensée? L'âme? Dans l'expression si familière corps m'appartient”, ce qui fait problème, c'est donc de reconnaître ou non la pertinence du schéma “possesseur (âme = “Je”)-possédé pour penser la réalité de mon existence. Je ne puis me penser non pensant. L'existence de ma conscience constitue une première vérité absolument indubitable. A tel point que je peux, sans contradiction, douter de l'existence du monde matériel (puisque les sens sont si peu fiables), et donc de mon corps, alors qu'il m'est impossible de nier ma propre pensée. [...]
[...] Comme Descartes lui-même le reconnaissait, je ne suis pas dans mon corps comme le pilote dans son bateau. Cependant, supprimer toute distance en disant suis mon corps” n'est guère plus acceptable. La pensée dualiste a raison d'affirmer qu'il existe de l'irréductible à la matière. Mais elle a tort d'en faire une substance distincte. S'il convient d'abandonner tout dualisme de l'âme et du corps, n'en évacuons pas, pour autant, toute interrogation sur la transcendance humaine vis-à-vis du biologique. L'homme dépasse infiniment toutes les déterminations matérielles. C'est à ce prix qu'on pourra préserver la notion de liberté. [...]
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