La liberté est habituellement définie comme l'absence de contraintes, l'esclavage est l'absence de liberté, la condition de ceux qui vivent sous la contrainte. Le "pacte de soumission" dont parle Rousseau serait donc une convention entre deux parties qui consisterait pour l'un à renoncer à sa liberté au profit de l'autre, à se placer volontairement sous la contrainte (...)
[...] Spinoza a une opinion similaire : selon lui, tout homme aveugle sur son véritable intérêt est esclave, et l'obéissance sous la contrainte n'entraîne pas automatiquement la condition d'esclave. Un maître qui n'écoute que ses désirs immédiats agit comme n'importe quel animal et est esclave de lui-même Bakounine l'exprime ainsi : la bestialité de l'esclavage est une négation de la liberté et de l'humanité du maître. Un esclave qui agit dans son intérêt propre, bien qu'étant sous les ordres d'un autre, est plus libre que celui-ci. [...]
[...] Et le maître ne va certainement pas utiliser ce droit contre lui-même ! Après avoir expliqué le texte de Rousseau, écrit à l'époque des Lumières et de l'esclavagisme, on peut se demander s'il est toujours d'actualité et si sa thèse résiste à un examen critique à travers les situations modernes. L'esclavage a en effet théoriquement presque disparu, mais il a été remplacé par d'autres abus. On pourra aussi contester certaines affirmations non démontrées dans ce texte, sur lesquelles Rousseau assoit sa démonstration. [...]
[...] Hegel justifie cette différence par la conscience de soi, nécessaire pour être libre et que l'animal ne possède pas : comment agir librement si on n'a pas conscience de sa liberté ? Rousseau parle de "renoncer à sa liberté" car certains philosophes de l'époque, comme Grotius, justifiaient l'esclavage et la monarchie absolue par le droit de chacun à aliéner sa liberté, c'est à dire à la vendre ou la donner, en un mot, à y renoncer. Or renoncer sciemment à sa liberté, c'est renoncer à ce qui nous définit et ne nous appartient pas : la liberté n'est pas à nous, elle est ce que nous sommes. [...]
[...] C'est ce que Rousseau sous-entend quand il commence son raisonnement par une affirmation : "renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme", ce qui présuppose que la liberté est la qualité, l'essence même de l'homme, sans le montrer dans ce texte. Il considère comme évident que tout homme naît "libre". Or, à son époque et, à moindre mesure, encore aujourd'hui le milieu dans lequel on naît conditionne le devenir d'un être humain. Celui-ci est-il vraiment toujours libre de ses choix ? En dehors d'une liberté théorique, n'y a-t-il pas un frein purement économique qui l'empêche de disposer de lui-même comme il l'entend ? Le milieu social influerait alors sur l'exercice de la liberté, sur la ‘liberté d'exercer sa liberté'. [...]
[...] Souvent, leurs parents croient leur offrir une vie meilleure et la possibilité de faire des études en les confiant à ces nouveaux esclavagistes, et aliènent en fait leur liberté sans toujours en être conscients. Mais la liberté, qui comme on l'a vu n'appartient pas même à celui qui en bénéficie, ne peut certainement pas être aliénée par un tiers. Dans de nombreux pays, les travailleurs n'ont presque aucun droit et ne sont quasiment pas payés, comme en Chine où certains vivent sur leur lieu de travail et reçoivent pour seul salaire le gîte et le couvert, condition proche de celle des anciens esclaves. [...]
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