La Conscience et la vie, p.19-20 - Henri Bergson (1933)

Thèmes abordés

La Conscience et la vie p.19-20, Henri Bergson 1933, déterminisme scientifique, liberté humaine, sciences positives, virtuel, réalité, différenciation, création, Gilles Deleuze, évolution de l'individu, commentaire de texte

Résumé du document

On peut, dans une optique de clarification du texte à étudier ici, évoquer le fait que la philosophie de Bergson part de la récusation du déterminisme scientifique en tant que celui-ci nie la liberté humaine dans sa dimension absolue. Il cherche à prouver que cette négation est erronée, et en cela à combattre sur le même terrain que les déterministes : il a pour volonté de placer la philosophie sur le même plan que les sciences positives, et en cela pouvoir les contredire (Vieillard-Baron, Bergson et le Bergsonisme, p.8).

Extraits

[...] Malgré l'élan vital qui la traverse, la matière aliène la vie comme mouvement. Gilles Deleuze explique cela par le fait que « chaque ligne d'actualisation correspond à un niveau virtuel ; mais chaque fois, elle doit inventer la figure de cette correspondance, créer les moyens pour le développement de ce qui n'était qu'enveloppé, pour la distinction de ce qui était confondu » (Le Bergsonisme, Gilles Deleuze, L'Élan vital p.111). En effet, la conscience est liberté « en droit » (quid juris), c'est-à-dire virtuellement, et le devient « en fait » (quid facti) par le biais de la matière. [...]

[...] Ainsi, ces exigences « font de la puissance de choisir un simple auxiliaire du besoin de vivre ». Aussi, dans le cas de la totalité des espèces animales et végétales, la liberté d'action n'est jamais complète, mais entièrement rivée à la matière et à son bon fonctionnement. Et si certains changements s'interposent dans la chaine de la vie par l'évolution, ces derniers ne seront spontanés qu'une fois, et toujours mécaniques ensuite, et ne résulteront en aucun cas d'un choix libre de l'individu : cette entrave qu'est la matière à la liberté peut s'assouplir, mais n'est jamais rompue. [...]

[...] Le passage du virtuel à l'actuel se fait selon les principes de différenciation et de création, les virtualités contenues dans ce courant de conscience se différencient et s'actualisent donc dans les ramifications qu'elles empruntent à l'épreuve des rigidités de la matière. Cet élan vital contourne donc la matérialité et entraine l'évolution. Les mécanismes de simple répétition du corps sont enrayés par ces virtualités de la durée rendues actuelles par le processus de différenciation : la liberté s'introduit dans la nécessité et fait de la matière son instrument. II. L'élan vital La deuxième partie du texte débute par « Mais », car il y a un, mais, « la conscience a failli être prise au piège ». [...]

[...] C'est pour cela qu'il représente, pour Bergson, « la raison d'être du développement tout entier ». Chez l'homme, la liberté et la conscience de soi « en droit » deviennent liberté et conscience de soi « en fait », car en lui « l'actuel se fait adéquat au virtuel » (Deleuze, Le Bergsonisme, L'Élan vital, p.111). En effet, le cerveau de l'homme lui permet d'introduire un écart entre la stimulation externe et la réaction de la matière : ainsi, l'enchainement n'est plus systématique, mais libre puisqu'il peut être choisi. [...]

[...] Par cette division du processus inhérent à la matière, la conscience lui impose son règne. On peut dire, pour conclure, que le passage du virtuel à l'actuel, qui se fait par différenciation et création, détermine l'évolution, ou du moins la puissance évolutive de l'individu. La matière, dans sa dimension répétitive et mécanique, représente l'obstacle que l'élan vital doit contourner pour permettre l'actualisation de la liberté de l'individu. Cette liberté, limitée cependant puisque toujours sous la coupe des nécessités de la matière ne peut s'exprimer complètement que chez l'homme, puisqu'il dispose d'une intelligence qui lui permet d'introduire un laps de temps, une réflexion et donc un choix entre l'impulsion qu'il subit de l'extérieur et la réaction interne que cette impulsion entrainera. [...]