L'enfant, dit-on volontiers, observe très tôt le monde qui l'entoure : les objets, les êtres familiers. Peut-on en déduire qu'il les connaît pour si peu ? Il lui faudrait être particulièrement subtil pour connaître par exemple les effets éventuellement nocifs du soleil en ayant simplement observé que le soleil lui chauffe un peu la peau... Mais on pourrait penser qu'après l'enfance, l'esprit est peut-être plus apte à passer de l'observation à la connaissance. Suffit-il de bien observer pour connaître ?
L'observation comprise comme simple rapport avec les choses qui sont présentes dans mon champ perceptif ne me livre du monde que des anecdotes — dont il m'apparaît bien difficile d'extraire quelque proposition synthétique — ou des apparences dont rien ne me garantit qu'elles me livrent une connaissance authentique. À contempler la chute des feuilles, je ne risque pas d'être sur la voie de la redécouverte de la loi de la chute des corps !
[...] Telles sont par exemple les conceptions astronomiques d'Aristote, qui suppose que la nature se dévoile pour ainsi dire spontanément devant nos facultés rationnelles, et qu'il ne reste en conséquence à ces dernières qu'à classer et organiser les éléments que nous en fournit l'observation. Cette conception de la connaissance a historiquement fait place à une conception inductive, à partir de Galilée, qui se caractérise, comme le souligne Kant dans la Préface à la seconde édition de sa Critique de la raison pure, par le fait que l'esprit humain, au heu d'attendre passivement l'autodévoilement de la nature, est actif et pose à la nature des questions précises. [...]
[...] Suffit-il de bien observer pour connaître ? I. Les impasses de l'observation ordinaire J'observe la nature qui m'entoure : les feuilles tombent des arbres selon des trajectoires extrêmement complexes (c'est l'automne), le ciel est »gris et je sais que bientôt le soir va tomber avec le coucher du soleil. Si je m'approche des buissons, me voici bien en peine pour leur trouver un nom commun, tant ils m'apparaissent évidemment différents les uns des autres. L'observation ainsi comprise, comme simple rapport avec les choses qui sont présentes dans mon champ perceptif ne me livre du monde que des anecdotes dont il m'apparaît bien difficile d'extraire quelque proposition synthétique ou des apparences dont rien ne me garantit qu'elles me livrent une connaissance authentique. [...]
[...] À contempler la chute des feuilles, je ne risque pas d'être sur la voie de la redécouverte de la loi de la chute des corps ! C'est parce qu'observer, et donc simplement percevoir, les choses n'en fournissent qu'une vision superficielle que Platon affirmait déjà que la vraie connaissance doit se détourner de la perception et des apparences. Le monde tel que je le perçois ou l'observe est trop mouvant, trop instable, pour que je puisse y deviner une régularité intéressante. [...]
[...] Pour connaître, suffit-il de bien observer ? Introduction L'enfant, dit-on volontiers, observe très tôt le monde qui l'entoure : les objets, les êtres familiers. Peut-on en déduire qu'il les connaît pour si peu ? Il lui faudrait être particulièrement subtil pour connaître par exemple les effets éventuellement nocifs du soleil en ayant simplement observé que le soleil lui chauffe un peu la peau . Mais on pourrait penser qu'après l'enfance, l'esprit est peut-être plus apte à passer de l'observation à la connaissance. [...]
[...] Conclusion Même l'observation scientifique, qui se distingue pourtant de l'observation spontanée en ce qu'elle interroge les phénomènes au lieu de les accueillir passivement, ne peut suffire à élaborer une véritable connaissance : en amont comme en aval de son exercice, elle suppose l'intervention de considérations théoriques nécessaires à garantir sa fécondité. De la sorte, elle ne constitue qu'un élément de la connaissance, car cette dernière implique un va-et-vient entre des données expérimentales et des points de vue théoriques, en l'absence desquels l'accès à l'empirique resterait stérile. [...]
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