« Connais-toi toi-même » était-il inscrit au fronton du temple de Delphes... Socrate puis Platon reprennent à leur compte la maxime : ils sont les premiers sans doute à poser comme préalable à toute recherche philosophique la nécessité de se connaître soi-même. Et, parce que la philosophie est, étymologiquement, l'amour et la recherche de la sagesse et du savoir, il faut en conclure que, pour devenir sage ou philosophe, pour atteindre la vérité s'il en est une et une seule, il faut déjà se connaître soi-même. Mais est-ce vraiment possible et peut-on seulement se connaître soi-même ?
Pour atteindre toute vérité, toute forme de connaissance sûre et indiscutable sur tel ou tel objet, il convient déjà de savoir de quoi ou de qui l'on parle : il s'agit, ici, de se définir soi-même, comme sujet. Or, définir, c'est, en quelque sorte, donner des limites : aussi définir un être implique sans doute de chercher les limites de cet être. Alors, qui suis-je ? Qui est ce sujet que l'on voudrait étudier comme un objet ? Qui est ce soi-même ou ce moi-même ? Quelles sont ses ou mes limites ? Parce que je suis à la fois un être doué de conscience et porteur d'un inconscient, doué de raison, de sentiments et d'émotions, mais aussi un être social, entouré d'autres sujets, et enfin parce que je suis un être libre, capable de choix, de pensées, d'actions et de paroles, les sources et les limites de la connaissance de moi-même sont à la fois nombreuses, et plus ou moins objectives et exhaustives.
Etant doué d'une conscience limitée, sujet à la fois seul et entouré, mais toujours libre et capable de choix et d'actions délibérées, suis-je vraiment en mesure de me connaître et de me définir moi-même de manière objective et exhaustive - et ainsi, comme le suggérait Socrate de tendre vers le « vrai » but de toute philosophie à savoir la vérité ? (...)
[...] Reste que les autres sont par rapport à mon être tout aussi subjectifs que moi-même, puisqu'ils sont eux-mêmes influencés par notre relation. Si c'est une source de connaissance qui peut sembler pouvoir compléter l'introspection et l'approche psychanalytique, la relation et la discussion avec l'autre est donc tout aussi illusoire s'il s'agit de se connaître soi-même de manière parfaite, exhaustive et objective. A ce problème d'objectivité, s'ajoute enfin le facteur temps qui semble rendre impossible toute tentative de connaissance de soi-même : l'objet que l'on cherche ainsi à saisir, ce soi-même, ce moi-même est sans cesse en train de changer. [...]
[...] Et sous cet angle, impossible donc de pouvoir se connaître soi-même : seul l'autre pourra nous connaître. Dans Huis-Clos toutefois, les personnages ne sont pas justes condamnés à voir et juger les autres : ils sont aussi doués de parole, et peuvent communiquer entre eux. Chacun devient le miroir de l'autre, et par la parole, chacun peut demander à l'autre ce qu'il voit de lui-même. C'est la scène du rouge à lèvres : l'un des personnages, se maquillant, demande à l'autre si c'est bien fait. [...]
[...] Tout comme l'introspection, la réflexion raisonnée sur soi-même ou la psychanalyse, la discussion avec l'autre peut aider à se connaître soi-même. Mais s'agira il véritablement d'une manière de se connaître soi-même plus objective que les autres ? On a dit en effet que pour être objectif, il convenait d'étudier un objet extérieur à soi. Je suis extérieur à l'autre, donc, il peut être sur moi plus objectif que moi-même. Est-ce tout à fait vrai ? Rien de moins sûr si l'on s'intéresse à la relation que j'entretiens avec l'autre. [...]
[...] Toutefois, se pose la question de savoir, si, dans l'introspection, je peux être véritablement objectif. En effet, quand je m'étudie moi-même, je risque de ne pas vouloir reconnaître certains de mes défauts, notamment si j'ai de l'orgueil ou de l'amour-propre. Il peut souvent être plus confortable de ne pas reconnaître ses faiblesses, et on peut ainsi dire que jamais ainsi une autobiographie ne pourra être vraiment objective. Rousseau en écrivant ses Confessions ne confesse que ce que sa conscience est à même d'avouer. [...]
[...] Et, parce que la philosophie est, étymologiquement, l'amour et la recherche de la sagesse et du savoir, il faut en conclure que, pour devenir sage ou philosophe, pour atteindre la vérité s'il en est une et une seule, il faut déjà se connaître soi-même. Mais est-ce vraiment possible et peut-on seulement se connaître soi-même ? Pour atteindre toute vérité, toute forme de connaissance sûre et indiscutable sur tel ou tel objet, il convient déjà de savoir de quoi ou de qui l'on parle : il s'agit, ici, de se définir soi-même, comme sujet. Or, définir, c'est, en quelque sorte, donner des limites : aussi définir un être implique sans doute de chercher les limites de cet être. Alors, qui suis-je ? [...]
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