Le conflit entre les iconoclastes, opposés à la représentation du Christ, et les iconodoules, voyant dans les représentations du Christ un acte de foi, nous interpelle sur le pouvoir de l'image, plus précisément sur la relation de l'icône au sacré. L'icône bafoue-t-elle le sacré défini comme intouchable, indicible, irréductible ou au contraire célèbre-t-elle ce sacré ?
Ce débat trouve une résonance particulière dans la religion chrétienne qui reconnaît le phénomène de l'Incarnation. Dieu s'est fait homme. Il s'est donné en chair et en os. Il est rentré dans notre temporalité, dans notre historicité. Cette conception porte en elle la marque d'une révolution sans précédent dans l'histoire des religions, dans la définition du sacré. Dieu a poussé son amour pour l'homme jusqu'à se donner, jusqu'à s'incarner abolissant ainsi la conception classique d'un dieu éminemment transcendant, loin des hommes. Cet acte de Dieu légitime-t-il les icônes ? L'icône serait-elle une « médiation » voire une « incarnation », un acte de foi qui fait écho à cet amour de Dieu ? Au contraire trahirait-elle la nature même de Dieu ?
Ce débat trouve aussi une certaine actualité dans la mesure où il nous porte à réfléchir au-delà de la nature de l'image comme lieu de révélation du sacré. N'y a-t-il de sacré que ce qui est bien imagé ? L'image est-elle le lieu qui rend sacré ?
Notre réflexion développera plusieurs axes. Tout d'abord, nous verrons la relation entre l'image du Christ et celle de l'Empereur posant ainsi la question de la vision humaine du Christ. Nous déterminerons ensuite dans le conflit qui opposa les iconodoules aux iconoclastes comment l'image se constitue face au sacré.
Le conflit entre les iconoclastes et les iconodoules s'enracine dans une tendance de l'art païen à s'inspirer des figures religieuses, notamment le Christ, les apôtres. Cet emprunt avait pour objet de magnifier l'empereur, de montrer sa force « divine ». Ainsi nous avons des scènes où l'Empereur est comme le Christ. Mais à l'inverse l'art chrétien va aussi donner une représentation du Christ qui est celle d'un Empereur (...)
[...] L'enjeu est de retrouver la vraie foi, cela passe par une purification dans le rapport à Dieu. Comprenons par là un abandon de toute imagerie religieuse. La relation à Dieu, pour être un lieu de vérité, doit être spirituelle, délivrée de toute entreprise imaginale. Dieu se pose dans une altérité absolue, inconciliable avec une quelconque médiation imagée. Constantin iconoclaste, développera une définition radicale de l'image. Il souligne que l'image doit être consubstantielle à ce qu'elle figure. Entendons par consubstantielle qui est un. L'unité exigée permet de tout conserver. [...]
[...] Seule l'eucharistie est cette image admise par les iconoclastes car le corps du Christ est substantiellement présent. D'autre part la Croix constitue ce symbole pur. De plus, pour les iconoclastes, la chair de Dieu a cette caractéristique d'être incirconscrite autrement irréductible à une quelconque représentation, à un quelconque dessin. Sur la question que la chair de Dieu est par essence incirconscrite Nicéphore souligne que le dessin est une image artificielle c'est-à-dire que son objet est d'imiter, de ressembler et non d'enfermer. [...]
[...] En conclusion, nous pouvons dire que les iconoclastes fondent leur doctrine sur une l'idée que Dieu est trop haut, trop loin pour être rendu en image. Nous avons l'expression d'une transcendance aboutie de Dieu. Toute tentative de le livrer à travers une icône est donc blasphématoire. Les iconodoules, quant à eux, reconnaissent une transcendance, que l'on peut qualifier de paradoxale, dans la mesure où Dieu s'est incarné. Ils vont en ce sens développer l'idée que toute destruction des icônes, tout rejet des icônes équivaut à un refus de l'Incarnation même voulue par Dieu. [...]
[...] Nous avons ici l'expression d'une chute dans l'humanité sous les traits du dernier homme à l'époque antique : l'esclave. Quoiqu'il en soit, ces perspectives nous mettent face à un élément commun à savoir que, au-delà de la figure du Christ, l'homme est un corps mais est aussi une âme capable de recevoir l'Esprit révélant ainsi une humanité nouvelle. L'icône devient ce lieu qui tend à la vision du divin. Il acquiert une épaisseur, une profondeur qui se donne comme dépassement du visible pour entrer en communion avec Dieu. [...]
[...] Cette surabondance d'images déclenchera la réaction des iconoclastes. Nous venons de voir comment l'image religieuse du Christ avait évolué en posant deux questions : son rapport au pouvoir avec l'interaction avec la figure de l'empereur, son rapport à l'esthétique révélant une conception du Christ différente selon les théologiens. Nous allons à présent voir comment les iconodoules vont défendre la place de l'icône dans le religieux. Nicéphore, patriarche de Constantinople et iconodoule, adopte une position radicale concernant l'icône en soulignant qu'elle définit l'Univers. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture