La puissance d'une simple image est une chose que Marcel Proust déjà avait pu comprendre, expliquant la passion de Swann pour Odette de Crécy (Un Amour de Swann) par la confusion faite par l'esthète entre la figure de Zéphora aperçue sur une toile et sa future épouse. Une telle force de l'image est à même de faire craindre le pire lorsqu'on remarque que l'image est aujourd'hui omniprésente, livrée le plus souvent brutalement, à la télévision ou sur des panneaux publicitaires.
Le principe même de la publicité comme l'utilisation de l'image par les propagandes de toutes les époques nous font nous poser la question suivante : la compréhension des images nécessite-t-elle une éducation ?
Il conviendra pour y répondre de voir d'abord en quoi le danger potentiel que représente l'image pourrait être écarté par le biais de l'éducation. Toutefois, il faut garder à l'esprit que l'image est fondamentalement et avant tout le lieu d'une interprétation subjective, ce qui ne nécessite pas et récuse même une quelconque éducation. Enfin, si éducation il y a, il s'agira de voir quelles limites conviennent d'être posées, en l'intérêt notamment de la démocratie.
[...] En somme, s'il importe de se prémunir des effets négatifs des images, il convient aussi de définir des limites à une éventuelle éducation à l'image. Ainsi apparaît-il que l'image, parce qu'elle fait avant tout appel à l'émotionnel, et l'éducation, parce qu'elle accentue la domination de l'Etat, sont des facteurs réduisant notre liberté de penser rationnellement. Au fond, imposer une éducation à la compréhension des images n'apparaît pas comme une nécessité au sens strict du terme, ce qui ne pourrait pas ne pas être. [...]
[...] Toutefois, il est permis de se demander si les gouvernants, seuls capables de décider d'étendre ces mesures à toute une population, trouveraient vraiment leur avantage dans le fait d'aider les citoyens à décrypter les images, au rang desquelles se trouvent les insignes de l'Etat. Bibliographie _Ferreyrolles Pascal et la raison du politique _De la Boétie Discours de la servitude volontaire _W.Kandinksy Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier _A. [...]
[...] Sa compréhension ne relève nullement d'une éducation préalable. D'autre part, il est permis de se demander si une éducation à l'image n'est pas d'une certaine façon vouée à l'échec si elle ne dépasse pas le stade de l'instruction. Des leçons, des conseils, des recommandations quant à la compréhension de l'image appartiennent à la sphère rationnelle, qui comme on l'a dit s'oppose même à la puissance émotionnelle de l'image. Des résultats positifs pourraient être obtenus dans le cadre d'une véritable éducation, qui serait très poussée, jusqu'à se trouver être à même de modifier la sensibilité d'une personne. [...]
[...] Les peintres abstraits se sont aussi engagés dans la même tendance, leurs intentions étant bien expliquées dans l'ouvrage de W.Kandinski Du spirituel dans l'art. Ce dernier rejette la nécessité d'une éducation, de connaissances, de références pour appréhender une œuvre. Dans le cas de Kandinsky, le tableau est un cadre qui délimité strictement le mélange des formes et des couleurs qui doit seul atteindre l'observateur vierge de toute arrière-pensée, de tout préjugé sur une hypothétique signification du tableau. Ce que ce dernier contient doit être apprécié pour ce qu'il est et rien d'autre. C'est un pur objet sensible. [...]
[...] Tocqueville avait à ce sujet bien compris que la démocratie demandait une grande activité et vigilance. Ainsi, plutôt qu'une éducation à l'image, on pourrait envisager une grande culture et un esprit critique aiguisé comme une protection globalement efficace contre les effets néfastes de l'image. Le principal problème de l'éducation étant qu'elle doit être très poussée, pour modifier la sensibilité à l'image pour être efficace, mais aussi le fait que le citoyen a peu de prise sur elle, contrairement à sa culture et son esprit critique. [...]
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