« L'histoire de l'homme n'est que l'histoire de la transformation du monde » écrivait Michel Henry (Phénoménologie de la vie, t.IV), rappelant la véritable fonction de la culture qu'est la transformation de la vie, à l'heure où l'industrie des loisirs s'est emparé de ce terme pour désigner ses divertissements de masse.
Cette question du lien entre la nature et la culture a été rendue complexe par les évolutions de nos sociétés, ce que Léo Strauss a tenté de clarifier en déclarant que « quel que soit le sens donné à la culture, la culture est toujours la culture de la nature ». Ce point de vue mérite d'être discuté, tant il apparaît en conformité avec l'Antiquité mais en décalage avec notre époque. S'agit-il d'une véritable évolution de rapport entre nature et culture ? Ou bien notre vision du problème est-elle biaisée ? Comme expliquer en fait ce processus qui amène Léo Strauss à réaffirmer, des siècles après Cicéron, que la culture est toujours la culture de la nature ?
[...] Ceci nous amènera enfin à détailler et expliquer en quoi ce caractère de la culture tend à être ignoré par nos sociétés contemporaines. Il importe, pour comprendre l'énoncé de Léo Strauss, de retourner aux origines de l'homme. Sans protection et isolé au sein d'une nature hostile, l'homme ne peut que se servir de son ingéniosité et de son habileté pour se protéger. La culture, qui le distingue des animaux, lui permettra de s'abriter, de se camoufler, de s'armer et ainsi de suite. [...]
[...] Il est ainsi apparu, à l'appui de Cicéron ou de Rousseau, que la culture est fondamentalement la culture de la nature. Mais le parallèle effectué entre le lien de la culture à la nature et celui de la culture à la vie nous a permis d'entrevoir la portée de la remise en cause galiléenne. Ce que révèlent les crises de l'éthique et crise de la culture est donc finalement que ce caractère de la culture tend à être ignoré par nos sociétés contemporaines. [...]
[...] De même, avec la racine latine colere, la culture se rapporte au travail de la terre, à l'agriculture qui fait croître les plants. A ce premier sens de culture qui nous ramène à l'action de l'homme sur son environnement naturel, il convient d'en ajouter un second, que développe notamment Cicéron. Celui-ci parle de la cultura animi rapprochant l'action de faire croître à l'esprit. Il en est de même chez les Lumières, qui estiment, à l'image de Rousseau, que l'homme est avant tout perfectible La culture est dès lors comprise comme un moyen pour l'homme de sortir de sa minorité (Kant, Qu'est-ce que les lumières d'atteindre une élévation de soi (Renan). [...]
[...] Sans rapport avec la vie ou la nature, la culture se résume dès lors, avec cette transformation, à la technique pure et simple. L'homme n'agit plus sur la nature que par le truchement de la machine. La nature est parfois purement et simplement absente. Des machines servent à produire d'autres machines, fabriquées à partir de composants de synthèse, n'existant pas à l'état naturel et créés dans des laboratoires. Michel Henry utilise pour résumer cette situation l'image d'une sphère de la technique devenue autonome, autosuffisante, auto-productive. [...]
[...] L'évolution scientifique tend ainsi à nous faire oublier le caractère fondamental de la culture, que Léo Strauss s'empresse de nous rappeler : la culture est toujours la culture de la nature Et il semblerait en effet de nos jours facile de se fourvoyer, tant la culture de masse se distingue par son absence de rapport avec la nature. Nous avons déjà évoqué l'origine des matériaux de construction, qui pour la plupart sont aujourd'hui tout sauf naturels, mais il faudrait aussi parler des procédés de fabrication à la chaîne, qui contribue à une uniformisation des biens de consommation, alors que chaque création tirée de la nature est unique. [...]
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