« L'homme ne joue que là où dans la pleine acception de ce mot il est homme, et il n'est tout à fait homme que là où il joue » Friedrich Von Schiller, Lettres sur l'éducation esthétique de l'homme
Qu'il soit d'acteur, de cartes, de société, d'enfant ou encore vidéo, le jeu possède toujours une connotation négative. Perte de temps, gaspillage d'énergie, le premier reproche fait au joueur est son improductivité. Pire encore, dans le cas des jeux d'argent, le jeu mène au goût du lucre, entraînant avidité, irresponsabilité, perte de soi.
Ainsi, Friedrich Schiller prend à contre-pied cette vision générale du jeu, affirmant que l'homme n'est un et complet que lorsqu'il joue, conférant ainsi au jeu le statut de trait ontologique de l'être humain. Nous chercherons dans un premier temps à définir le jeu, puis nous verrons dans un second temps comment Schiller parvient à cette conclusion apparemment audacieuse, en opposition à la vision du jeu de tous les philosophes le précédant, en utilisant pour cela l'analyse de Colas Duflo dans Le jeu : De Pascal à Schiller.
[...] En effet, il intègre le contenu sensible dans l'expression de celle-ci, en association avec les qualités universelles de l'art. En effet, l'harmonie de la beauté réside pour lui dans un équilibre esthétique entre les forces sensibles. Pour la gymnastique, par exemple, chaque geste est en lui-même exercé, travaillé, réfléchi dans une force allant vers la singularisation du membre qui fait ce geste, mais la totalité esthétique du mouvement du gymnaste réside dans l'utilisation coordonnée de ces membres, qui évoluent donc ensemble vers cette totalité. [...]
[...] En formulant cela autrement, on pourrait dire qu'entrer dans la temporalité du jeu requiert de poser une certaine somme sur la table, et que cette somme devient alors à la fois moyen et fin intrinsèque au jeu, et non pas fin extérieure. Ainsi, le jeu pourrait se définir ainsi : activité ludique inscrite dans une temporalité et une législation particulières toutes deux consciemment acceptées par ceux qui jouent et possédant un but en elle-même dont on ne sait pas qui va l'atteindre et/ou si il va être atteint. [...]
[...] Par ailleurs, le jeu concerne un temps et/ou un espace limités et bien définis. Dans cette temporalité particulière, les buts se trouvent définis et les moyens autorisés pour les atteindre, les règles, suppose l'intervention d'une législation différente qu'à l'accoutumée. Je peux parfaitement déplacer un pion en forme de cheval où je veux et comme je veux, mais lorsque je joue aux échecs, je ne peux le déplacer qu'en L Le jeu trouve sa fin en soi. En effet, gagner une partie d'échecs ou de cache-cache ne produit rien, et ne m'apporte rien, sinon un prix assigné au vainqueur. [...]
[...] La tendance formelle recherche le concept, l'idéal. L'homme moral obéit à des lois qu'il s'est lui-même fixées. La tendance sensible est pour sa part un assujettissement à la nécessité naturelle, une réponse aux besoins élémentaires. Elle est la volonté de donner du contenu aux formes Il est impossible, dans cette optique, de concevoir un homme total. Tout d'abord, la séparation entraine évidemment la duplicité de la nature humaine, et ces deux tendances tirent l'être dans deux directions opposées, chacune par un bras. [...]
[...] Les gestes du gymnaste illustrent la beauté dans la façon dont ils sont mis ensemble. De la même façon, un jeu de cartes comme la belote ou le tarot à cinq permet de concrétiser l'abstraction de la stratégie d'alliance, de coopération. On peut noter que c'est selon ce principe, en quelque sorte, du sucre autour de la pilule que Rousseau justifie l'utilisation du jeu pour éduquer l'enfant. Schiller va plus loin en donnant une gradation au jeu, allant de la plante inanimée à l'homme total. [...]
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