La solidarité, citation de Gide.
« La solidarité entre tous les citoyens d'un peuple reste assez mal établie, du moins en France, et peu sentie ; elle demeure chose abstraite ; et du reste, pour un grand nombre, existe réellement fort peu » (A. Gide, Journal)
Enjeux du sujet :
Il s'agit au fond d'une phrase au contenu faible, la citation n'est ici qu'un prétexte pour interroger la réalité sociopolitique de l'idée de solidarité dans le cadre précis de la France. L'identité de l'auteur, contemporain des premiers théoriciens français du « solidarisme » invite à insister sur l'histoire des idées. Pour Gide en effet la solidarité est une idée moderne, il convient dés lors de prendre en compte cette modernité.
Introduction.
30 juin 2004 : La loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées est promulguée ; elle est publiée au Journal officiel du 1er juillet 2004. Cette loi institue dans chaque département un dispositif de veille et d'alerte. Ce dispositif doit permettre l'intervention des services sanitaires et sociaux, sur la base des informations recueillies par les communes, auprès des personnes âgées et des personnes handicapées, dans les cas de risque exceptionnel, climatique ou autre.
Presque 30 ans après la loi d'orientation du 30 juin 1975, fixant l'intégration des personnes handicapées comme obligation nationale, cette logique même d'intégration reste pourtant une ambition à réaliser puisqu'il s'agit de l'une des priorités nationales définies par le Président de la République en 2002. Les pouvoirs publics reconnaissent ainsi le retard pris par la France dans la prise en compte du handicap. Il n'est plus question aujourd'hui d'assistance charitable mais de solidarité nationale. Après le droit à réparation, puis le droit à la rééducation, le principe de non discrimination se substitue à celui de réadaptation. Et aujourd'hui, le droit à compensation des conséquences des handicaps devient l'expression de l'égalité de droit pour l'exercice d'une citoyenneté pleine et entière.
Si nombre de mesures et de lois sont adoptées, en France, pour favoriser la solidarité, celle-ci reste un concept problématique ; d'abord parce que sa définition n'est pas aisée ; et ensuite parce que si les Français se déclarent majoritairement prêts à tout pour la faire progresser, dans les faits, la France reste peu avancée sur le terrain de la solidarité…
Nombre d'enquêtes semblent ainsi révéler, de la part des Français, un attachement profond pour des valeurs telles que le respect mutuel, la tolérance, la générosité ou l'aspiration à plus de responsabilités ; mais l'observation des faits tend cependant à prouver que ces attitudes éprouvent des difficultés à se transformer en actes : le bénévolat, la participation à des associations sont nettement plus développés, par exemple, chez nos voisins néerlandais, allemands ou belges. Faut-il en conclure, à l'instar d'André Gide quelques décennies auparavant, qu'il s'agit là d'un problème d'attitude propre à la France, où l'individualisme aurait érodé les velléités de solidarité ? Qu'en est-il aujourd'hui de la solidarité dans la terre d'élection des droits de l'homme et de l'idéal républicain de fraternité ?
Sous l'influence de l'individualisme, ce courant de pensée qui a permis à l'homme d'accéder à son identité, les notions de liberté, de bonheur, de plaisir, se sont progressivement imposées à la conscience, au point d'entraîner l'individu à prendre de la distance à l'égard des exigences de la morale. Il a alors imaginé des façons de vivre lui permettant de profiter des avantages du confort de la vie matérielle, et des avancées techniques qui rendent souvent superflues la nécessaire compagnie de ses semblables.
Séduit par sa liberté, l'homme a peut-être laissé en jachère le domaine de l'esprit pour se contenter d'une vie centrée sur lui-même, faite de joies faciles mais solitaires. L'indifférence, la solitude, l'égoïsme sont devenus les « fruits vénéneux » de cette évolution où le « chacun pour soi » a évincé progressivement le besoin naturel d'échanges et de partage.
Si l'on tente néanmoins de définir cette notion, on peut voir qu'elle englobe nombre d'éléments divers et recouvre maints domaines d'application dans le champ des activités humaines : que faut-il mettre derrière un tel concept, utilisé par les responsables politiques, comme par les chefs d'entreprises ou bon nombre d'acteurs sociaux ? Le mot a-t-il toujours le même sens selon le domaine dans lequel il est employé ?
Le dictionnaire Larousse propose deux définitions différentes de la « solidarité », qui renvoient, pour l'une à un état passif - «dépendance mutuelle entre les hommes »- et pour l'autre à un acte de volonté –« sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle ».
Ce que ces deux définitions ont en commun, au fond, c'est l'idée, tirée de l'étymologie même du mot - du latin in solidum : pour le tout- que l'individu se conçoit comme parie d'un tout ; le concept d'un « lien social » entre les hommes devient alors essentiel pour illustrer cette dépendance, ou cette aide, qui est une base fondamentale de toute société.
Mais il faut aller au-delà de cette première définition. Egalement utilisée dans le vocabulaire juridique, la solidarité existe, d'après le Code civil, de la part des débiteurs, lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par l'un libère les autres envers les créanciers.
Mais ce mot fait aussi l'objet d'analyses philosophiques variées ; il devient alors le « caractère des êtres, ou des choses, liés de telle sorte que ce qui arrive à l'un deux retentisse sur l'autre ou sur les autres », ou encore le « devoir d'assistance entre les membres d'une même société ».
Finalement, ce qu'ont en commun toutes ces définitions, c'est bien l'idée d'une interdépendance entre les individus, qu'elle soit librement consentie, ou subie. On pourra alors définir plus précisément la solidarité comme l'interdépendance impliquant une responsabilité mutuelle d'assistance et d'entraide réciproques entre les membres d'un groupe, fondée sur le contrat ou la communauté d'intérêts.
La solidarité revêt des aspects multiples. Ainsi à côté des solidarités traditionnelles familiales ou professionnelles, sont apparus des systèmes au sein desquels des institutions nouvelles ont mis en place la solidarité nationale: assurance maladie, assurance chômage, assurance vieillesse, allocations familiales. Enfin de multiples actions de solidarité de proximité sont mises en œuvre au quotidien par le monde associatif.
S'agit-il d'une forme d'amour qui unit les hommes quand les nécessités les placent devant des évènements graves ? Est-elle le fait d'un simple accord réglant des comportements pour engager une action ? Ou n'est-elle qu'un vague concept sociologique ou politique, utilisé par démagogie ?
[...] Finalement, la démocratie est directement confrontée au concept de fraternité qui est bien la traduction politique et républicaine de la solidarité. Penser qu'il faut redonner au concept de fraternité de la devise républicaine la première place, c'est reconnaître que la fraternité permet la mise en œuvre d'un équilibre (toujours relatif) entre le désir de liberté et l'exigence d'égalité. Cette fraternité présente dans l'existence des hommes une force d'attraction qui les rend solidaires les uns des autres, selon la définition usuelle. [...]
[...] La solidarité mécanique ou «solidarité par similitude» est celle qui caractérise les sociétés archaïques: les individus sont semblables les uns aux autres, ils partagent les mêmes sentiments, obéissent aux mêmes croyances, aux mêmes valeurs. C'est la similitude qui crée la solidarité. Quand elle prédomine dans une société, les individus diffèrent peu les uns des autres. Ils éprouvent les mêmes sentiments, servent les mêmes valeurs, révèrent le même monde sacré. La solidarité organique, caractéristique de nos sociétés, résulte au contraire de la différenciation des individus. Ici, les individus sont liés les uns aux autres parce qu'ils exercent des rôles et fonctions complémentaires à l'intérieur du système social. [...]
[...] Comment l'homme politique conçoit-il la notion de dignité humaine ? Restituer à l'homme ses titres de noblesse en le reconnaissant humain au même titre que les autres individus reconnus humains par la loi, c'est parfois prendre de la distance à l'égard de l'éthique. Certes, l'éthique interroge le politique, mais les dangers de la société moderne seraient très limités si la solidarité entre les peuples et les nations faisait l'objet d'une pratique quotidienne. Il en est de même pour l'ensemble des problèmes posés par l'évolution des mentalités et des mœurs. [...]
[...] Platon, dans la République, fait de la responsabilité le socle de sa conception de la morale. Plus tard, Kant, avec sa notion d'impératif catégorique pose aussi les fondements philosophiques de la solidarité : Agis toujours d'après une maxime telle que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle Cette conception de la morale se retrouve dans la solidarité conçue comme acte de raison. Le quatrième principe renvoie aux notions de liberté et égalité : et c'est un aspect essentiel de la conception de l'éthique proposée par J.Rawls. [...]
[...] Mais dans l'ensemble, la différenciation des fonctions caractéristique de la solidarité organique est contraire au maintien de segments divers, multiples et semblables. Menée en termes très généraux, l'analyse durkheimienne de l'organisation sociale s'applique à toute espèce de société: aux primitifs de l'Australie centrale comme aux Romains du Bas-Empire, aux Égyptiens des premières dynasties comme aux Anglais du Royaume-Uni. Elle s'applique avec non moins de pertinence aux phénomènes les plus variés: au suicide dans la société contemporaine comme à la religion dans les sociétés primitives (É. [...]
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