Le Tractatus logico philosophicus de Wittgenstein (1922) comprend sept aphorismes principaux qui ne sont pas des thèses, mais des élucidations successivement enchaînées de ce qu'il est légitime de formuler dans le langage touchant la réalité, c'est-à-dire le monde. Gilles Gaston Granger, qui a réalisé la préface de l'édition de 1992, parle de philosophie négative au sens de théologie négative, cette dernière ayant pour but de circonscrire les frontières de ce qui serait pensable à propos de Dieu. Suivant ce modèle, le Tractatus a pour but non de dire ce qu'est la réalité du monde, mais de délimiter ce qui est pensable, c'est-à-dire exprimable dans un langage. Pour Wittgenstein, seules les propositions de la science, vraies ou fausses, peuvent satisfaire cette exigence. Le discours du philosophe ne peut que rendre manifeste le fonctionnement correct du langage, tout autre usage cherchant à aller au-delà d'une description des faits est illusoire.
La tâche de la philosophie est donc délimitation, c'est-à-dire tracer la frontière entre le dicible et l'indicible. Wittgenstein résuma son livre en ces termes : « tout ce qui proprement peut être dit peut être dit clairement, et sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence. Le livre tracera donc une limite à l'acte de penser, ou plus précisément à l'expression des pensées ». La première partie de cet aphorisme deviendra l'emblème du Cercle de Vienne, qui délaissera la dimension mystique du Tractatus.
La section quatre de l'œuvre, après avoir défini la proposition et son lien avec la pensée (4. « La pensée est la proposition pourvue de sens »), s'attache à préciser la nature de la philosophie, par opposition à celle de la science, et sa tâche qui s'articule autour de deux enjeux majeurs : analyser et clarifier. Nous étudierons successivement les trois aphorismes : tout d'abord l'aphorisme 4,11 qui est une délimitation du champ de la vérité ; puis le 4,11 qui affirme la distinction entre philosophie et science. Enfin nous nous intéresserons à l'aphorisme 4,112, où de la distinction précédente, Wittgenstein déduit le rôle de la philosophie et son rapport aux propositions.
[...] Dans les Recherches philosophiques il insistera alors sur la pluralité des formes possibles d'utilisation du langage, notamment dans sa dimension de communication en accordant toute son importance au concept d'intention et à l'effet de contexte qui rendent possible une multiplicité de sens. [...]
[...] Elle est seulement une des conditions de possibilité de la pensée. C'est pourquoi si les propositions de la logique nous montre la nature et la limite de la pensée, elles ne nous disent rien sur le monde, n'ont aucun contenu, ce sont des coques vides ou encore des pseudo propositions (aphorisme 6,11 : les théories qui font apparaître les propositions de la logique comme ayant un contenu sont toujours fausses Ainsi le terme même de propositions logiques est impropre, c'est une contradiction dans les termes, la logique n'est pas constituée de propositions puisqu'elle est nécessairement vraie. [...]
[...] Ce raisonnement va permettre d'établir la nature de la philosophie. L'aphorisme 4,11 déduit de l'aphorisme précédent la distinction entre science et philosophie, et établit une définition négative de la philosophie qui n'est pas une science de la nature Or seules les sciences de la nature étant considérées comme des sciences puisqu'elles nous apprennent quelque chose sur le monde en le décrivant (on ne se préoccupe pas des sciences formelles), philosophie et science ne se recoupent donc pas. Cette conception heurte l'histoire de la philosophie mais aussi mais aussi l'esprit scientifique du XXème siècle. [...]
[...] C'est pourquoi la philosophie n'est pas une théorie mais une activité elle n'est pas dogmatique, ce n'est pas une doctrine mais bien au contraire un processus dynamique par lequel la science se débarrasse de l'indésirable (l'indésirable qui sera défini par le cercle de Vienne comme étant la métaphysique ou les propositions non logiques). La philosophie se définit alors comme syntaxe et sémantique du langage scientifique. La philosophie n'a rien à enseigner, aucune connaissance à délivrer, il ne peut ainsi y avoir de propositions philosophiques ce qui serait là encore une contradiction dans les termes selon le même principe que les nécessités logiques, ce qui a été explicité précédemment. [...]
[...] De même Russell, malgré l'évolution de ses positions, restera fidèle à une conception scientifique de la philosophie soit une philosophie qui partage les objectifs de la science et qui doit imiter ses méthodes. Wittgenstein se démarque donc des conceptions précédentes, en délimitant le scientifique et le non scientifique et en plaçant la philosophie sur ce second plan. Cette théorie fait écho à celle déjà proclamée par Schlick la philosophie n'est pas un système de propositions, elle n'est pas une science La philosophie n'est pas à côté de la science, ces deux disciplines sont distinctes sans pour autant être soumises à une séparation stricte. [...]
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