La conception classique de la citoyenneté, fondée sur l'appartenance à une communauté, Cité ou Etat-nation, ne semble pas compatible avec l'universalisation de la sphère du politique. Surmonter les particularismes hétérogènes des communautés suppose donc une évolution du concept de citoyenneté dans un sens libéral, qui fait émerger le déploiement d'un monde commun comme fin ultime de la politique. Pour autant, le processus actuel de mondialisation, que l'on peut à certains égards analyser comme l'émergence d'une 'société mondiale', témoigne de la difficulté à se définir aujourd'hui comme citoyen du monde.
[...] Trois types de réponses, philosophique, religieuse, et humaniste peuvent être proposées, sans qu'aucune ne soit véritablement satisfaisante. Contemporains des Républiques antiques, grecques et romaines, les stoïciens ont formulé la doctrine du " cosmopolitisme qui est une application sociale et politique de leur théorie de la sympathie universelle. Puisque toutes les choses, tous les événements sont liés entre eux, il doit en être de même des hommes, si bien que le sage n'est pas seulement le citoyen du pays où il est né, il est un citoyen du monde. [...]
[...] En définitive, les termes " citoyen " et " monde " paraissent antinomiques, sinon inconciliables, au sens communautarien de la citoyenneté. En effet, cette conception ne peut prévaloir que pour des sociétés fermées, étroites et homogènes, et semble donc nettement datée historiquement. Telle était déjà la critique formulée par Marx à l'égard de la Révolution française : selon lui, il n'existe pas d'autre voie que la coercition et la terreur pour revenir à une citoyenneté inspirée du modèle grec, idéalisée par les révolutionnaires sous l'influence des Lumières. [...]
[...] Cette conception quelque peu idéalisée de la citoyenneté antique a fortement influencé Rousseau, puis la Convention jacobine, et notamment Saint Just. Le premier, dans Du Contrat social, relie la citoyenneté à la participation volontaire au corps et aux décisions politiques : le citoyen est l'individu libre et autonome qui élabore, ou du moins participe à l'élaboration, de la loi à laquelle il obéit. Les Républiques ne peuvent alors fonctionner que si chaque citoyen trouve son bonheur davantage dans l'activité publique que dans la sphère privée (activités économiques, ou familiales par exemple), car sinon la société civile accapare les individus, aux dépens de la société politique. [...]
[...] Enfin, les droits de l'Homme peuvent, de façon provocante, être assimilés aux droits de l'homme médiatique, puisque seuls les drames humanitaires qui font l'objet d'une couverture médiatique suscitent l'émotion et l'intervention de la communauté internationale. On semble ainsi loin d'une véritable société universelle à l'heure actuelle, dont pourrait découler une citoyenneté mondiale. Si toutefois une tel corps devait se former à plus long terme, deux types de dérives ne manqueraient de menacer sa cohésion et sa pérennité. Un premier danger provient d'une tendance au repli communautaire, qui apparaît comme un corollaire de la mondialisation. [...]
[...] De même, dans de nombreux pays issus de la décolonisation, des hommes se font la guerre pour quelques kilomètres carrés de territoire, ce qui témoigne de leur attachement à la conception traditionnelle de la souveraineté, délimitée par une frontière physique, et donc de la citoyenneté, qui ne peut s'exercer que dans un cadre national. (cf. Michel Foucher, Fronts et frontières). En outre, il convient de relativiser les progrès des droits de l'Homme, qui font l'objet d'un certain nombre de critiques. [...]
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