Les chemins d'Heidegger, "Etre et Temps", fuite déchéante, Dasein, ontologie heideggerienne, « Daseinsanalyse », philosophe-thérapeute, « épreuve du feu »
Peu de jours avant sa mort, Heidegger, dans la page de titre de Gesantausgabe, dit à propos de son travail : « Des chemins, non des œuvres », signalant par là le cheminement d'une pensée non doctrinale toujours humble face au « mystère » de l'être. Nous pouvons espérer que le sentier que nous empruntons en sa compagnie nous conduise jusqu'à une « éclaircie », dans le ciel assombri du modèle ultra-technicien, la pensée de l'être s'avère une urgence tout autant qu'un réconfort. Le tournant, Kehre, intervenu dans les années trente dans la méditation heideggerienne ne doit pas être vu comme une rupture, car le questionnement au sujet de l'être est bien l'intention qui préside déjà son œuvre majeure Etre et Temps, (Sein und Zeit) de 1927 : « l'élaboration concrète de la question du sens de l'être, constitue le propos du présent essai ».
[...] Ensuite, l'angoisse est définie comme étant la disposition qui rompt avec l'habitude, notre façon familière d'appréhender le monde comme disponible ; cela signifie que le plus souvent, notre rapport au monde est essentiellement pragmatique et utilitaire avant de faire l'objet d'une réflexion théorique. L'idée de subsistant implique en revanche une étude de l'objet dans son rapport à la vérité. L'angoisse interrompt le cours tranquille de ce comportement bien adapté (L12 à 15). Enfin, l'angoisse révèle notre être-le-là dans son ouverture au monde en tant que tel, dépourvue de toute relation spatiale habituelle. Le monde à portée de la main s'efface devant l'inquiétante étrangeté la survenue imposante de sa présence en tant que telle. [...]
[...] Dans sa rareté, l'angoisse devient moment privilégié pour la saisie de notre authenticité. À la différence de la peur, l'angoisse ne peut se référer à aucun objet particulier, et de ce fait elle n'est pas localisable : que le menaçant ne soit nulle part, cela caractérise le devant quoi de l'angoisse. (L18-19.) Pourtant, que le menaçant ne soit pas trouvable cela ne signifie nullement qu'il ne serait en fait qu'une illusion, dont on devrait se défaire afin de sortir de notre embarras. [...]
[...] Le vécu authentique nécessite le passage par une épreuve du feu qui dans l'idéal devrait faire appel à la sollicitude devançante, telle décrite par Heidegger dans son chapitre 26 de Sein und Zeit et devenue le modèle d'intervention, selon Médard Boss, du philosophe-thérapeute. La leçon de l'angoisse, c'est devoir faire face à la résolution de se choisir une existence, habitée par l'être que nous sommes, infiniment proche et énigmatique. Heidegger Etre et Temps 1927 p 21, traduction Martineau (édition numérique hors commerce). Ibid p 156. Jean-Paul Sartre La Nausée Paris Gallimard 1938. Michæl Gelven Etre et Temps de Heidegger un commentaire littéral, p 136, Bruxelles Mardaga, 1er édit Harper and Row NY 1970. [...]
[...] Il ne saurait être compris sans la référence capitale à notre finitude, notre être pour la mort. C'est en fait une expérience radicalement opposée au sentiment religieux qui peut nous ouvrir à l'être que nous sommes : C'est l'angoisse (Angst) comme mode de l'affection, qui la première, ouvre le monde comme monde. D'une certaine façon, cela peut être rapproché de la Nausée de Sartre comme sentiment ontologique : Jamais avant ces derniers jours, je n'avais pressenti ce que voulait dire exister Mais en même temps, on ne trouve pas chez Heidegger la même insistance sur le caractère futile et arbitraire de notre vie ; l'angoisse en tant que révélation de l'être n'implique pas de séparation du sujet avec le monde. [...]
[...] Être et Temps ch 3 p 70. Être et Temps 16p 72. Ibid 15 p 72. Ibid 40 p 158. Michæl Gelven op cit p 68. Françoise Dastur Daseinsanalyse et psychanalyse, la question de l'inconscient, p 8. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture