La conscience humaine admet, par nature, l'existence d'une vérité d'ordre métaphysique pour certains, scientifique pour d'autres, mais qui apparaît dans tous les cas comme un référent absolu qui dirige et détermine la manière qu'à chacun de mener sa vie, une condition à partir de laquelle l'existence prend sens. Pourtant, du fait même de vivre avec autrui, il se trouve que le concept de vérité se heurte à une pluralité de sens possibles. C'Est-ce qui semble se dégager de l'expression « à chacun sa vérité », c'est-à-dire un constat de la difficulté de définir la vérité comme une notion objective, valable pour tous. Cette difficulté invite au contraire à comprendre la vérité comme un principe relevant du
domaine du subjectif. Mais n'est-ce pas en soi une contradiction de penser que la vérité, d'ordinaire
idéalisée comme étant absolue, puisse être relative et particulière à chacun ? L'expression elle-même
pourrait être paradoxale : en prétendant justement à la vérité, cet énoncé se contredirait lui-même. Plus
encore, il s'opposerait au projet de recherche de la vérité, érigée au rang de valeur suprême, dont
l'exigence s'impose à tout un chacun.
De quelle conception de la vérité cette contradiction découle-t-elle ? L'idée de vérité particulière ne vide-t-elle pas la notion de vérité de tout intérêt, en niant tout effort de recherche ? Doit-on pour autant nous rattacher coûte que coûte au mythe de la vérité absolue, sans s'interroger sur ce que la vérité représente en tant que valeur ?
[...] Plus encore, il s'opposerait au projet de recherche de la vérité, érigée au rang de valeur suprême, dont l'exigence s'impose à tout un chacun. De quelle conception de la vérité cette contradiction découle-t-elle ? L'idée de vérité particulière ne vide-t-elle pas la notion de vérité de tout intérêt, en niant tout effort de recherche ? Doit-on pour autant nous rattacher coûte que coûte au mythe de la vérité absolue, sans s'interroger sur ce que la vérité représente en tant que valeur ? [...]
[...] Ce n'est pas tant l'indifférence à la vérité qui est sous-entendue ici mais une forme d'humanisme qui accepterait la diversité des individus dans son ensemble, comme autant de parties intégrantes du monde. Compris sous cette angle, l'énoncé à chacun sa vérité semblerait satisfaisant. Mais alors, cette expression serait applicable dans certains champs de la connaissance, et moins ou pas du tout dans d'autres (nous l'avons vu avec les mathématiques qui ne tolèrent pas la non exactitude). Il n'y aurait donc pas une vérité, mais des vérités dépendantes à chaque fois d'un domaine particulier, et dans certains de ces domaines, la vérité semble se confondre avec l'opinion, la conviction personnelle. [...]
[...] L'invention d'un principe transcendant tel que la vérité représente au contraire pour Nietzsche le type même de la pensée illusoire et erronée, une pensée qui fuit la confrontation avec le réel et qui cherche à se conforter, à se faire elle-même plaisir. Et dès lors, même le concept platonicien de la vérité semble relever de la perception, car il est amour du vrai, et le philosophe est exalté lorsqu'il entreprend le voyage vers le vrai. L'idée même de connaissance, on le comprend, est remise en cause. [...]
[...] Les mathématiques en particulier échappent à ce droit à la subjectivité. Il est évident que deux et deux font quatre, et si une personne venait à soutenir que deux et deux font cinq, personne ne pourrait utiliser la phrase à chacun sa vérité pour lui donner raison, ou du moins pour ne pas lui donner tort. Cette affirmation semble donc concerner des domaines plus mouvants de la connaissance où il est difficile qu'une chose puisse être ramenée de façon définitive à une preuve tangible et construite. [...]
[...] La vérité n'est accessible que par un doute permanent, une perpétuelle remise en question de ce qui est tenu pour vrai, afin de ne pas être victime de la distinction floue entre croire savoir et savoir vraiment. En ce sens, l'échec du relativisme sophiste, tel que le présente Platon, semble aller dans le sens de l'existence d'une vérité absolue, ce qui exclue d'emblée la possibilité d'une vérité propre à chacun. Toutefois, ce mythe de la vérité absolue n'est-i l pas en soi problématique ? [...]
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