« A chacun selon son mérite », « A chacun selon ses besoins », « A chacun selon son dû », nombreuses sont les formules pour caractériser le principe de la justice. Et chacune de ces formules renvoie à une forme particulière de la justice : la première concerne la justice commutative (celle qui règle les échanges entre les hommes), la deuxième correspond à la justice distributive (celle qui s'occupe de la redistribution des biens entre les individus), et la troisième désigne la justice corrective (celle qui rectifie les erreurs de répartition). A chacun selon son mérite : est-ce le dernier mot de la justice ? Encore faut-il définir ce qu'est le mérite. Lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il mérite quelque chose, on entend par là qu'il est en droit de recevoir ce quelque chose en vertu de ses qualités personnelles reconnues par les autres. Mais on peut se demander de quel droit ? Avoir du mérite suppose qu'il y ait des résultats qui doivent être le fruit d'efforts continus. Si la justice consiste à respecter la légalité, l'égalité et l'équité, alors le mérite se réclame de la justice si lui aussi correspond à ces mêmes valeurs. Dans quelle mesure est-il alors possible de fonder en dernier ressort la justice sur le mérite de chacun ?
[...] La formule A chacun selon son mérite permet donc de fonder la justice sur le principe de l'équité, cette justice tempérée par l'amour (Aristote), ce qui donne à la justice un dernier mot d'espoir pour tout un chacun, car le mérite n'est pas figé ou donné à la naissance. Cependant, en rester à la notion de mérite laisse sous-entendre que les individus peuvent être hiérarchisés selon leur mérite, ce qui peut paraître arbitraire. En effet, qui est en droit de dire qu'untel a plus de mérite que tel autre ? [...]
[...] Tel est le sens qu'Aristote donne à la disposition de l'âme, qui se définit comme une seconde nature acquise à force de réitération de la pratique de la justice ainsi que de la force de la volonté. Le mérite, tout comme la qualité de justice, ne peut être attribué qu'à une personne qui s'est élevée au fil de l'effort. C'est pourquoi on peut penser que la formule À chacun selon son mérite peut être le dernier mot de la justice. Le principe qui vise à donner à chacun ce qu'il mérite est également repris par le système pénal de l'institution judiciaire. [...]
[...] Au contraire, l'équité prend plus en considération la situation personnelle de chacun dans le jugement de cas particuliers. C'est ainsi que le philosophe grec Aristote distingue dans le livre V de l'Éthique à Nicomaque l'égalité arithmétique de l'égalité géométrique ou proportionnelle. La première repose sur une stricte égalité alors que la seconde est plus souple puisqu'elle est proportionnelle au mérite de chacun. Selon Aristote, est juste celui qui ne prend pas plus que son dû dans le partage de bonnes choses, ni moins que son dû dans le partage de mauvaises choses. [...]
[...] Dès lors, comment peut-on mettre un dernier mot sur un sentiment ? La justice ne peut donc se résoudre à prononcer son dernier mot, du fait de la richesse et de la profondeur du concept même et parce qu'elle ne s'exprime pas par des mots, mais par des actes et des intentions. A chacun selon son mérite cette formule, même si elle a le mérite de mettre en valeur le principe de l'équité, est trop restreinte pour rendre compte d'un concept aussi riche que la justice. [...]
[...] Quel est alors le critère le plus pertinent ? Est-ce la justice, la sagesse ou le courage ? Il est difficile de répondre à cette question de façon catégorique. De plus, c'est une notion subjective que cèle du mérite : on peut par exemple paraître méritant aux yeux de certains alors qu'on ne l'est pas du tout au regard des autres. Il en est de même pour les peines infligées aux coupables et plus particulièrement de la peine capitale : qui est en droit de décider du droit de vie ou de mort d'un criminel ? [...]
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