Dans Chacun sa vérité, Pirandello met en scène deux personnages, Mme Frola et M. Ponza, qui soutiennent chacun que l'autre est fou. Tous deux argumentent si bien en faveur de leur version des faits que Laudisi, sommé par la société de tirer cette histoire au clair, ne peut les départager.
[...] Dès lors demandons-nous : y a-t-il des affirmations que nous pouvons ensemble tenir pour vraies au-delà de nos expériences contradictoires du réel ? Afin de répondre à cette problématique, s'il est plausible de rejeter toute vérité absolue il faut distinguer plusieurs niveaux de vérité afin d'adopter une conception dynamique de dévoilement du vrai (III). Si nos perceptions du réel sont irréductiblement différentes pour chacun d'entre nous, l'hypothèse selon laquelle il n'existerait aucune vérité absolue semble justifiée. On entend « absolu » au sens d'indiscutable, intouchable, transcendant. [...]
[...] Lorsqu'on comprend la relativité de la vérité de chacun, on peut comprendre l'opinion d'autrui. Cela permet de comprendre la rhétorique et de faire changer les autres d'opinion. Le sophiste veut, tel un médecin, guérir quelqu'un de sa vérité grâce à la persuasion. Si l'on passe du relativisme au pragmatisme, on peut identifier ce qui est vrai à ce qui fonctionne, et donc, malgré la multiplicité des vérités portées par chacun, nous pouvons tomber d'accord sur ce qui fonctionne le mieux. [...]
[...] On part d'une situation où chacun défend ce qu'il tient pour vrai selon sa perception du réel, pour finalement arriver à une croyance plus proche du réel qui permet de « tomber d'accord ». Ce que la question initiale omet est l'étape centrale du processus : la confrontation des perceptions, le débat. Il n'est pas satisfaisant intellectuellement d'admettre que toutes les opinions sont également vraies, mais il l'est beaucoup plus de les confronter, de les mettre en débat, pour atteindre une affirmation plus satisfaisante. [...]
[...] Ainsi, toutes les opinions se valent. C'est ce qu'on appelle une posture relativiste. Elle est notamment adoptée par Protagoras, un sophiste interlocuteur de Socrate dans le Théétète de Platon. Protagoras compare la vérité à un jugement de goût, qui serait différent dans le temps pour une même personne. Il adopte plus un pragmatisme raisonnable qu'un scepticisme stérile. S'il pense que toutes les opinions sont aussi vraies les unes que les autres, il estime que certaines sont plus valables que d'autres. [...]
[...] Néanmoins, il y a à l'intérieur de la science elle-même une progression dans la découverte de la vérité. Une vérité scientifique n'est jamais une explication absolument exacte du monde. Une théorie est toujours soumise à des hypothèses réductrices qui donnent des résultats plus ou moins en adéquation avec le réel. Dans la Logique de la découverte scientifique, Popper retourne le sens commun en expliquant que la scientificité d'une théorie est garantie par son caractère réfutable. Une théorie scientifique est considérée comme vraie si elle est réfutable et qu'elle n'a pas été réfutée. [...]
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