Comme l'explique Marcel Gauchet dans La démocratie contre elle-même , la démocratie, qui constitue actuellement le type le plus répandu de régime représentatif – c'est à dire de régime fondé sur le principe de la souveraineté nationale et où la communauté transmet son pouvoir par le biais d'un mandat - tend désormais à apparaître comme un horizon indépassable admis par tous et que plus personne ne remet en question. Il peut dès lors sembler curieux, voire provocateur, de se demander ce qu'est une « représentation juste », dans la mesure où une telle question implique la possibilité d'une représentation injuste, précisément à l'heure où les systèmes représentatifs sont présentés comme le nec plus ultra de l'organisation politique.
[...] Dès lors, même si par définition le pacte de représentation exclut de l'exercice direct du pouvoir la majorité des individus, il demeure démocratique en ceci que le représentant parle et agit au nom de tous, tirant de sa relation d'extériorité non seulement le droit mais aussi le devoir de n'accorder de préférence à personne en particulier, visant donc bel et bien le bien général qu'envisageait Rousseau. La réalité et l'authenticité d'un tel consentement se mesurent traditionnellement à l'aune de l'étendue du droit du suffrage, qui, à l'instar de l'exemple français décrit par Pierre Rosanvallon dans Le Sacre du Citoyen, a tendu selon une logique démocratique à s'élargir peu à peu, cessant successivement d'être la prérogative des individus privilégiés (suffrage censitaire) puis des hommes (suffrage universel masculin), pour devenir un droit fondamental : la représentation juste, alors, est celle qui est consentie par tous, et qui prouve ce consentement en donnant en retour le même droit à chacun, ainsi gratifié d'une voix qui a la même valeur que toute autre, quel que soit son sexe, son âge ou son milieu social. [...]
[...] Une représentation vraiment juste, en définitive, est celle qui donne les moyens au représenté de s'exprimer sur la façon qu'il a de voir comme juste ou injuste la représentation en question. Dès lors, il apparaît clairement que la justice de la représentation s'appuie sur l'équilibre des libertés, qui convergent logiquement vers le dernier élément que Manin met en relief : la délibération, moment où le parlement doit argumenter en faveur des décisions qu'il a été libre de prendre, devant le peuple qui est libre d'en penser ce qu'il veut. [...]
[...] Les choses se compliquent néanmoins chez les Modernes avec l'irruption des courants politiques, généralement associés à des groupes sociaux, car l'élection amène au pouvoir quelqu'un qui ne fait pas forcément l'unanimité, érodant ainsi la justesse représentative : un président peut accéder à la tête de la représentation en n'ayant enregistré qu'une simple majorité reflétant à peine plus de la moitié de l'opinion du pays, comme Valery Giscard d'Estaing en France avec le score de des républicains indépendants au second tour de 1974. Mais c'est surtout le pouvoir législatif qui pose question, puisque c'est lui qui décide à proprement parler des lois, émanation de la volonté générale selon Rousseau : il faut se demander quel mode de scrutin est le plus juste, le plus exact, vis-à-vis de l'état de l'opinion. [...]
[...] Qu'est-ce qu'une représentation juste ? Introduction Comme l'explique Marcel Gauchet dans La démocratie contre elle-même, la démocratie, qui constitue actuellement le type le plus répandu de régime représentatif c'est-à-dire de régime fondé sur le principe de la souveraineté nationale et où la communauté transmet son pouvoir par le biais d'un mandat - tend désormais à apparaître comme un horizon indépassable admis par tous et que plus personne ne remet en question. Il peut dès lors sembler curieux, voire provocateur, de se demander ce qu'est une représentation juste dans la mesure où une telle question implique la possibilité d'une représentation injuste, précisément à l'heure où les systèmes représentatifs sont présentés comme le nec plus ultra de l'organisation politique. [...]
[...] Le problème est que l'histoire a montré, avec l'expérience de la Ive République minée par l'instabilité ministérielle, qu'une telle exactitude représentative n'était pas nécessairement souhaitable, dans la mesure où elle pouvait conduire à l'immobilisme et sapait alors de ce fait l'objectif même de la représentation : à savoir l'efficacité politique. Conclusion En définitive, le problème du juste apparaît comme celui qui domine toute l'histoire de la représentation, marquée par ce balancement entre légitimité et justesse : la première est un présupposé indispensable qui doit se confirmer perpétuellement, et la seconde un objectif polémique, d'abord sacrifié sur l'autel de la liberté privée, puis aujourd'hui invoqué comme une valeur absolue qu'il faut respecter à tout prix. [...]
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