L'élection récente de M.Zapatero en Espagne semble lever un obstacle majeur à l'adoption de la constitution européenne. Jusqu'ici, l'Espagne et la Pologne s'y opposaient car elle leur ferait perdre des voix au sein du Conseil des ministres. La Convention présidée par M.Giscard D'Estaing avait en effet défini une nouvelle répartition des voix entre les différents Etats membres. Cette distribution devait à la fois tenir compte des poids différents des Etats dans l'UE tout en préservant la cohésion européenne.
La question de la manière dont les biens, richesses, voix…doivent être répartis se pose dans de nombreux domaines : la répartition des voix entre les différents Etats membres au Conseil des ministres, la répartition des ressources publiques entre les différents citoyens, la répartition du profit entre l'entrepreneur et les employés, la répartition des frais de scolarité à sciences-po entre les différents élèves.
On relève de ces différents exemples que la question du caractère équitable de la distribution provient de l'inégalité même des situations. En effet, certes l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 énonce que « tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ». La distribution équitable dans ce cadre est la distribution égale c'est-à-dire donner à chacun la même chose. Or en réalité, les hommes ne sont pas toujours égaux en fait : les Etats membres de l'UE de par leur poids économique et démographique, l'entrepreneur et les employés de par leur statut, les élèves à sciences-po de par leur ressources… Le caractère équitable d'une distribution est donc toujours une tension entre l'application de l'égalité et la prise en compte de l'inégalité. Il s'agit alors de s'interroger sur les critères sur lesquelles une distribution peut être équitable et sur ses conditions de possibilité.
Si la définition d'un critère pour répartir de façon équitable les différentes ressources de la société est possible théoriquement, le constat de l'insertion de nos démocraties dans une économie de marché nous amène à réfléchir sur les modalités d'organisation d'une distribution équitable.
[...] En effet, P.Rosanvallon part du constat de l'individualisation de la société qui rend de plus en plus difficile les approches en terme de groupes sociaux. Dans ce cadre, les politiques publiques indifférenciées ne sont plus efficaces. Elles doivent au contraire chercher à appréhender au mieux les différences de statut pour chaque individu et individualiser les politiques sociales. Cette approche n'est pas encore très développée mais on peut toutefois noter la mise en place de mesures telles que les rendez-vous individualisés à l'ANPE. La question de la distribution équitable n'est donc pas détachable de la conception même de l'égalité. [...]
[...] Bourdieu dans son ouvrage La Noblesse d'Etat montre comment se créent des oligarchies financières qui fonctionnent au delà de toute compétence autre que sociale. Le second problème est que les inégalités naturelles découlent très souvent des inégalités sociales et les justifient a posteriori. Est-ce alors équitable de fonder le mérite sur la compétence alors que celle-ci dépend des conditions sociales de l'individu et non de sa valeur intrinsèque ou naturelle ? Mais on peut aller plus loin en refusant l'idée même que des inégalités naturelles puissent être le fondement d'une distribution équitable. [...]
[...] On peut trouver des exemples d'application de cette approche en France avec la loi sur la parité homme- femme ou aux Etats-Unis avec les quotas pour les groupes ethniques minoritaires. Une deuxième approche analyse la société en terme d'exclusion en distinguant au sein de la population des groupes d'inclus, de reclus et surtout d'exclus. Elle ne distingue plus des "classes" mais des "populations" qui sont structurées non plus entre un haut et un bas mais entre un "centre" et une "périphérie". [...]
[...] Pour Aristote, une distribution équitable doit éviter deux écueils : l'esprit d'inégalité et l'esprit d'égalitarisme. En effet, pour Aristote l'esprit d'inégalité s'illustre par le fait que des gens supérieurs en un seul domaine déterminé posent en principe qu'ils sont inégaux en tout Les élites, à supposer qu'elles aient les compétences intellectuelles qu'on leur attribue, ont tendance à s'approprier tous les pouvoirs. Elles n'ont pourtant qu'une compétence limitée. L'esprit d'égalitarisme, quant à lui, se trouve dans le fait que les gens qui sont égaux dans un domaine estiment être égaux absolument Toute supériorité est perçue comme une injustice inacceptable alors qu'elle est inévitable compte tenu de l'inégalité naturelle des hommes. [...]
[...] Il s'agit alors de s'interroger sur les critères sur lesquelles une distribution peut être équitable et sur ses conditions de possibilité. Si la définition d'un critère pour répartir de façon équitable les différentes ressources de la société est possible théoriquement, le constat de l'insertion de nos démocraties dans une économie de marché nous amène à réfléchir sur les modalités d'organisation d'une distribution équitable. I. Recherche d'un critère équitable régissant la distribution la distribution équitable, juste mesure entre l'inégalité et l'égalitarisme Une répartition équitable doit se fonder sur la notion d'égalité. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture