Cartésianisme et critique dans les "Pensées sur la comète" de Pierre Bayle

Résumé du document

En histoire de la philosophie, le débat existe toujours de savoir s'il faut classer Pierre Bayle parmi les derniers cartésiens ou les premiers représentants des Lumières. De nombreux éléments encouragent cette deuxième solution. En effet, avec son éthique rationnelle du savoir, Bayle redéfinit la figure du philosophe et ouvre la voie aux Lumières françaises. Voltaire se réclamera de Bayle. Diderot, à travers L'Encyclopédie, s'inscrira dans la continuité du Dictionnaire historique et critique de 1697. L'écart de Bayle avec la philosophie cartésienne de ses contemporains apparaît dès sa première œuvre polémique : Les Pensées sur la comète (1682). En approchant les questions morales et théologiques de l'athéisme et de l'idolâtrie dans une perspective plus empirique que métaphysique, en construisant une éthique qui n'impose aucun système de valeurs, Bayle se fait résolument anticartésien. Pourtant, force est de constater qu'une forte influence cartésienne habite sa pensée. L'aveu des limites de l'entendement, la méfiance envers tout dogmatisme et l'importance des idées claires et distinctes sont autant d'éléments cartésiens que nous retrouvons sous la plume de Bayle.

Extraits

[...] Un philosophe accepte de se mouvoir dans les strictes limites de l'entendement. C'est peut-être une des principales originalités de Bayle que l'invention de cette figure moderne du philosophe. Un tel parti-pris pour une démarche critique et rationnelle lui permet de dépasser l'héritage cartésien pour annoncer la philosophie des Lumières, non seulement françaises, mais encore allemandes. En effet, c'est à partir de la critique baylienne que Kant forgera sa propre acception du terme critique. Bayle se rapproche aussi des Lumières quand il recourt à l'empirisme et à l'anthropologie pour constater que le mal existe dans toutes les sociétés, même chrétiennes. [...]

[...] Descartes a bien démontré dans sa métaphysique l'existence de Dieu et la spiritualité de l'âme, et s'il a bien répondu aux objections qui lui ont été proposées. [ ] On ne va point se rompre la tête à étudier les prétendues démonstrations de Spinoza, pour tâcher de comprendre que l'univers est un être simple, et que nous sommes des modifications de Dieu.5 C'est bien sur des valeurs internes que les hommes fondent leurs actions. La philosophie de l'action qu'établit Bayle discrédite a priori toute morale visant à imposer des valeurs externes. [...]

[...] Cartésianisme et critique dans les Pensées sur la comète de Pierre Bayle En histoire de la philosophie, le débat existe toujours de savoir s'il faut classer Pierre Bayle parmi les derniers cartésiens ou les premiers représentants des Lumières. De nombreux éléments encouragent cette deuxième solution. En effet, avec son éthique rationnelle du savoir, Bayle redéfinit la figure du philosophe et ouvre la voie aux Lumières françaises. Voltaire se réclamera de Bayle. Diderot, à travers L'Encyclopédie, s'inscrira dans la continuité du Dictionnaire historique et critique de 1697. [...]

[...] En effet, représentant un tel signe, la comète échapperait à l'enchaînement causal des événements. Comme Malebranche, Bayle est convaincu que tout corps obéit aux strictes lois d'un ordre nécessaire et immuable. Si la comète échappait à cet ordre, elle constituerait un miracle. Or, accomplissant ce genre de miracles, Dieu ne ferait rien d'autre que ranimer presque par toute la terre le zèle languissant des idolâtres autrement dit dévier la foi chrétienne vers de fausses idoles comme les astres, et encourager la superstition. [...]

[...] Le parallèle paradoxal qu'il dresse entre ces deux figures renverse les jugements traditionnels. Un athée philosophe a notamment l'avantage de n'avoir sa conscience détournée par aucun dogme. Plus à l'écoute de sa raison, il est capable de découvrir par lui-même les notions de vice et de vertu. Parmi les athées vertueux, Bayle mentionne Epicure dont le matérialisme est l'aboutissement rigoureux d'une pensée libre et rationnelle. Si de tels hommes constituaient une société sans Dieu, ils se comporteraient au moins aussi vertueusement que des chrétiens. [...]