« Il n'y a pour l'homme que trois événements : naître, vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre » écrit La Bruyère. Autrement dit déjà, le bonheur de vivre semble compromis, puisque la vie n'est vécue sans souffrance. Mais ne nous décourageons pas et reprenons depuis le début.
Par bonheur, nous entendons un état durable de satisfaction permanent. Etymologiquement, bonheur vient manifestement de « bonne heure », et désigne ainsi la bonne fortune, en tant que ce qui arrive de bien ou de mal. La notion semble induire en elle-même que le sujet n'est pas en mesure de décider de cet état de bonheur. Ainsi, lorsque nous nous interrogeons sur le bonheur de vivre, nous considérons qu'une part de l'accession du sujet au bonheur dépend en partie de ce qu'il n'est pas en mesure de maîtriser. En réalité, toute la subtilité du sujet réside dans la distinction de vivre au sens biologique, ce que nous nommerons zoê, et vivre en tant que mener son existence, ce que nous appellerons bios. De fait, si certains, comme les Epicuriens, considèrent que le bonheur de vivre passe par la satisfaction des plaisirs et des besoins, naturels ou artificiels, d'autres estiment qu'il ne peut concerner que l'existence, en tant qu'elle est bien menée. Le bonheur de vivre n'est-il pas quelque chose de bien plus grand, la quête d'un Graal, celui d'un art de vivre propre à chacun ?
[...] Dans une ultime tentative, notons cet aphorisme de Lao-Tseu : Il n'y a point de chemin vers le bonheur : le bonheur c'est le chemin Aussi, le bonheur n'est peut-être rien d'autre que cette perpétuelle et constante recherche du sens de la vie. Conclusion Dans Un voyage Aragon nous raconte que, malgré les épreuves qu'il a dû traverser dans sa vie, malgré la mort qui attend chacun d'entre nous, malgré qu'après qu'il ne sera plus, la vie continue sans lui, vivre fut pour lui un bonheur dans le sens où elle est justement jalonnée d'obstacles à surmonter. Le sens de la vie, celui de la parcourir non sans mal, est le bonheur de vivre. [...]
[...] Le bonheur de vivre est une quête a. Redéfinition du bonheur Tentons d'affiner notre définition du bonheur, en nous servant d'une réflexion de Kant dans la Critique de la faculté de juger : Le concept de bonheur n'est pas un concept que l'homme abstrait de ses instincts et qu'il extrait en lui-même de son animalité, mais c'est une simple Idée d'un état, à laquelle il veut rendre adéquat cet état sous des conditions simplement empiriques La notion de bonheur prend là un sens plus personnel, propre à chacun, selon la conscience qu'il a de la vie, et de sa vie. [...]
[...] Ainsi, le bonheur de vivre semble se présenter comme une vie hors des contraintes imposées par la nature et la société, sans douleur ni désirs inassouvis. Il nécessite une rupture entre la vie telle qu'on la perçoit et la vie telle qu'on la vit. b. La revanche du réel Si nous en revenons à notre définition initiale du bonheur, qui veut que cet état soit durable, nous comprenons la difficulté qui réside dans cette nécessité de se placer toujours en dehors des contraintes imposées par la réalité. [...]
[...] La satisfaction des désirs et plaisirs ne saurait permettre un bonheur de vivre. Il s'agit à l'inverse de chercher à les maitriser autant que faire se peut, afin de n'en devenir dépendant. Aussi pour Saint- Augustin, comment appeler une vie heureuse une vie à laquelle on tient et dont on n'est pas maître ? Il nous invite à nous interroger sur le bonheur de vivre en tant que maitrise des impératifs de la vie pour mieux permettre au bios de s'épanouir. II. Le bonheur de vivre comme satisfaction de la zoé a. [...]
[...] Autrement dit, le bonheur de vivre doit davantage passer par une lucidité particulière du sujet face aux impératifs de la vie plutôt que comme la satisfaction de désirs qui ne saurait constituer une entrave au bonheur. b. L'existence en tant qu'elle est bien menée Ainsi de privilégier une vie bien menée à une vie longuement menée. Le sage vit tant qu'il doit, non tant qu'il peut considère Montaigne. Le bonheur de vivre semble donc se libérer des impératifs de la zoê en tant qu'il n'en craint pas les effets, y étant préparés et libérés. [...]
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