« Tous les hommes recherchent d'être heureux. Cela est sans exception : quelques différents moyens qu'ils emploient, ils tendent tous vers ce but », écrivait Pascal dans ses Pensées... Ainsi, tout homme, semble-t-il, aspire au bonheur, à cet état statique de plénitude, de béatitude : il ne semble rien manquer à celui qui est heureux... Mais à quel prix cet état est-il atteint ? Faut-il, pour cela, renoncer à la vérité ? Or, tout homme n'aspire-t-il pas d'ailleurs aussi à la vérité, à cette quête du vrai ? N'est-ce pas une valeur qu'il convient de rechercher ? Seulement, ces deux exigences (bonheur... vérité) sont-elles compatibles ? Ne doit-on pas en privilégier une ? Faut-il préférer le bonheur à la vérité ? Ce sujet nous invite à nous interroger sur la fin (les fins, peut-être plutôt ?) de l'existence humaine. Il y aurait donc des choix à faire : or, choisir, n'est-ce pas renoncer ? Qu'est-ce qui doit primer : le bonheur, ou la vérité ? Quoiqu'il en soit, l'un semble a priori exclure inévitablement l'autre... Il faut alors hiérarchiser les fins que l'on se propose d'atteindre (...)
[...] Il y aurait par conséquent, dans une telle perspective, dans le bonheur, une part irréductible d'illusion. On se complairait alors, de fait, à croire en une vérité qui ne serait finalement que le reflet pur et simple de nos désirs ( et le bonheur ne réside-t-il pas, du moins en apparence, dans la satisfaction de nos désirs fût-ce les plus irrationnels, les plus déraisonnables, les plus éloignés, aussi, de la vérité ? Il faut s'interroger plus avant ) , nous inventant, construisant de toutes pièces, imaginant notre vérité (or l'imagination n'est-elle pas cette maitresse d'erreur et de fausseté que dénonçait déjà Pascal faisant du coup disparaître l'une des dimensions les plus essentielles de celle-ci : la vérité ne saurait-être purement subjective, sous peine, justement, de ne plus être la vérité ! [...]
[...] Il faut donc, en quelque sorte, renoncer au vrai pour être heureux n'est-il pas si vrai que la vérité peut venir troubler l'esprit, engendrer une véritable souffrance morale, mettre en péril notre sérénité, notre bonheur ? Mais, au fond, est-il censé de rechercher à ce point le bonheur, de n'avoir que faire de la vérité ? N'est-ce pas, en fait, prendre ses désirs pour la réalité, pour la vérité ? Est-ce donc cela, le bonheur : fermer les yeux, fuir le vrai comme la peste ? [...]
[...] Faut-il préférer le bonheur, fût-ce avec des œillères, fût-ce en ne voyant dans la vérité que ce qui nous arrange, au gré de nos désirs, au mépris de toute vérité digne de ce nom ? Et, à trop vouloir, à trop désirer atteindre le bonheur, ne risque-t-on pas à la fois d'asservir la vérité, mais aussi, de nous mentir à nous-mêmes, ou du moins d'essayer ? Cela ne semble guère souhaitable, ni même soutenable Ne doit-on pas, du coup, plutôt nous tourner vers la vérité ? [...]
[...] Socrate, pour ne citer que lui, n'était-il pas cet eternel chasseur de vérité, toujours à la recherche du vrai, aimant plus que tout, disait-il, être réfuté ? S'efforçant d'inviter tout un chacun à en faire autant, de guider son entourage vers la vérité Ce n'est alors pas tant le bonheur qui compte alors, mais bien plutôt la vérité Mais une telle démarche s'avère fort exigeante, il faut en convenir ! On comprend pourquoi certains y sont si réticents, et préfèrent se complaire dans un bonheur gorgé d'illusions rassurantes, douillettes et confortables, pour ainsi dire En un mot, nombreux sont ceux qui semblent se complaire dans l'ombre, dans la caverne platonicienne, craignant (refusant même par avance tout contact avec la vérité ; pourquoi donc ? [...]
[...] Car, au fond, toute vérité (pour qui veut être heureux est-elle bonne à dire, à connaître ? Il est des vérités qui blessent, dit-on ; en ce sens, bonheur et vérité s'excluent littéralement l'un l'autre Pour qui veut être heureux, il faut pouvoir, savoir (à moins que cela ne soit naturel ? L'humanité serait dès lors comme plongée dans l'obscurité ) fermer les yeux Qu'est-ce que la vérité, sinon la conformité du jugement aux faits, à la réalité (ou l‘adéquation de la pensée avec elle-même ; mais peut-être ce sens n'est-il pas essentiel ici) ? [...]
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