« La queue du bonheur est glissante » énonce un proverbe libanais, et l'homme s'acharne à vouloir la saisir ; il court, bondit, ruse… et semble parfois s'épuiser vainement… En effet, la quête du Bonheur alimente la vie de l'individu, comme le cours de l'histoire, l'inspiration des artistes, le rêve des scientifiques ou l'ambition des hommes d'Etat. La doctrine morale eudémoniste – du grec eudaimonia ; bonheur – veut même que chaque action humaine ait pour but la recherche de ce Bonheur ; fin parfaite pour les uns, Souverain Bien pour d'autres... Mais quelle est cette fin tant désirée : une fantastique chimère ?
Dans l'absolu, le Bonheur serait comme un état de satisfaction parfaite, dont la plénitude et la stabilité le distinguent de l'éphémère plaisir et de la joie dynamique. Or, peut-on le définir indépendamment de la quête dont il fait l'objet ? Le Bonheur est-il autre chose qu'un phantasme, qu'une utopie, un horizon pour l'imaginaire ? Est-il un idéal inaccessible à l'Homme ? Savoir si le Bonheur est de notre monde revient à définir l'idée de Bonheur : présente universellement et intemporellement, elle se plie à la culture, à la subjectivité, à l'individu ; qu'elle incarne la satisfaction de tous nos désirs, leur improbable extinction ou Nirvâna, voire la promesse d'un autre monde… Mais, ce maître concept, le Bonheur, allie-t-il l'existence à l'essence? L'homme peut-il s'achever et donner sens à sa vie terrestre ? Où ne peut-il trouver d'espérance que dans une hypothétique " vie après la mort " ? Mérite-t-on son Bonheur, peut-on parler de droit au Bonheur ?
S'il existe une infinité de "recettes" pour – soi-disant – accéder au bonheur, le mot semble parfois galvaudé et perd de sa signification idéale. Le Bonheur ; possible ? inaccessible ? individuel ? collectif ? humain ? divin ? D'abord centrée sur soi, la recherche du Bonheur s'est ensuite voulue collective, puis elle est devenue une fin en soi.
[...] Quand le faible s'enferme dans une morale contraignante, abrutissante, quand il "vivote" débilement, quand il espère une vie après la mort ; poussé par un élan vital, la Volonté de Puissance le fort jouit de la plénitude d'une vie en constant devenir, chargée d'électricité Une vie allégée des contraintes d'un passé et d'un avenir parfois nuisibles, une vie au présent, une vue par-delà le bien et le mal Mais, au-delà de l'explication métaphysique, il semblerait que l'homme et le bonheur soient incompatibles. En effet, le Bonheur se définit dans la constance, et l'homme dans la mouvance : le Bonheur se veut stable et l'humeur humaine changeante, versatile. C'est ce qu'explique Rousseau : Le bonheur est un état trop constant et l'homme un être trop muable pour que l'un convienne à l'autre. [...]
[...] Ainsi, Epictète, stoïque latin, met en avant cette responsabilité humaine ; Lorsque quelqu'un a de la malchance [ici synonyme de malheur car le mot bonheur signifie étymologiquement "bonne fortune", du latin augurium], souviens-toi que cette malchance vient de lui : car Dieu a créé tous les hommes pour le bonheur et pour la paix. Le malheureux ne peut s'en prendre qu'à lui : le bonheur est fruit d'un travail sur soi. Une autre des "sagesses antiques" est l'Epicurisme, dont le précurseur est le philosophe grec Epicure, aux environs de 300 avant Jésus- Christ. Il fait du Bonheur l'aboutissement de la philosophie ; il l'assimile à la Sagesse. [...]
[...] Ce bonheur dont parlent les antiques ne serait-il pas sa fin ? En effet, ce serait une mort de l'âme que cette ataraxie, cette sérénité inaltérable ; ce serait animalité, car l'Homme va perpétuellement vers de nouveaux désirs, de nouveaux plaisirs, de nouveaux désagréments. On ne peut parler de "bonheur animal", comme d' "imbécile heureux" car il n'y a de bonheur si bonheur il y a que dans une pleine conscience et une pleine jouissance, perpétuellement renouvelées. En outre, le bonheur épicurien et stoïcien, comme le bonheur des Propos sur le Bonheur d'Alain, est indifférent au bien-être collectif ; il est un repli sur soi et une petite communauté d'intimes. [...]
[...] Le bonheur est-il inaccessible à l'homme ? La queue du bonheur est glissante énonce un proverbe libanais, et l'homme s'acharne à vouloir la saisir ; il court, bondit, ruse et semble parfois s'épuiser vainement En effet, la quête du Bonheur alimente la vie de l'individu, comme le cours de l'histoire, l'inspiration des artistes, le rêve des scientifiques ou l'ambition des hommes d'Etat. La doctrine morale eudémoniste du grec eudaimonia ; bonheur veut même que chaque action humaine ait pour but la recherche de ce Bonheur ; fin parfaite pour les uns, Souverain Bien pour d'autres . [...]
[...] Quand la Civilisation n'est plus que ruines, mieux vaut cultiver son jardin ! C'est ce que fait Candide, après avoir vu guerre, injustice, massacres, abjections, aux côtés de son cher Pangloss et de Cunégonde ; L'agriculture est le plus agréable des travaux, dès que l'on cultive son propre champ. - Voltaire, Candide. Quant à Aristote, s'il voit le bonheur comme fruit d'un long travail personnel, il n'en oublie pas la dimension collective. Selon lui, le Bonheur vers lequel tend l'Homme est le Bien Suprême, le Souverain Bien ; il est le but humain par excellence. [...]
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