Que nous conseille l'opinion quant à la conduite à tenir vis-à-vis du désir ? Aujourd'hui, tout le monde flatte la recherche du plaisir. Nous sommes largement encouragés de donner satisfaction à tous nos désirs. "Vivre ses désirs" est dans le monde actuel une formule publicitaire assez banale. Nos mœurs n'ont pas une forme répressive, ils seraient plutôt très largement laxistes. Nous partageons d'emblée l'opinion selon laquelle le bonheur, c'est la satisfaction de tous les désirs. Cette libération a apporté l'idée qu'il ne fallait surtout pas réprimer, qu'il fallait même exprimer le désir, exprimer ses désirs et se borner à les suivre. Celui qui voudrait réprimer ses désirs serait vu dans notre monde comme une sorte d'exception étrange à une règle commune qui enseigne le contraire. Nous pouvons donc nous étonner de mettre en association le bonheur avec le renoncement de ses envies. En effet, le bonheur c'est au moins la satisfaction de notre nature et notre essence n'est-ce pas le désir? Comment parler sérieusement de renoncer à nous-mêmes?
Pourtant, de loin en loin, nous faisons aussi l'expérience de ce que la multiplication des désirs engendre aussi l'insatisfaction, le dégoût et l'ennui. " Plus le désir avance, plus la possession véritable s'éloigne ". Fatigué de désirer en restant mécontents, nous serions presque en désespoir de cause tentés de dire tel que Proust que : " si le bonheur ou du moins l'absence de souffrance peut-être trouvé, ce n'est pas dans la satisfaction, mais dans la réduction, l'extinction progressive finale du désir qu'il faut chercher ". L'ascétisme serait alors la véritable morale du désir. La question est donc: le bonheur est-il dans la réalisation ou dans la suppression des désirs?
[...] La mesure de ses désirs tient cependant davantage de l'art de vivre : par la contention de ses plaisirs, le sage respecte des limites qui sont celles du corps, toujours rapidement rassasié. Au contraire des jouisseurs, insatiables et malheureux, le tempérant réduit la quantité de ses plaisirs pour en augmenter la qualité. L'excès de nos comportements est souvent poussé par nos passions. Ces passions mal gérées nous amène au malheur. Le malheur que crée cette démesure de nos envies semblerait provenir de notre non domination de nos excès. Dans quelle mesure les passions nous éloignent-elles du bonheur sans que nous le voulions ? Les passions sont très peu contrôlables. [...]
[...] Quand on tombe dans la démesure dans l'assouvissement de ses désirs, plus aucun plaisir n'est satisfait. La poursuite effrénée du désir traîne à sa suite l'irritation du mécontentement, la lassitude le dégoût et l'ennui. En un mot, cela nous amène au malheur. Comment remédier à la recherche excessive de nos désirs afin de trouver le bonheur ? Pour remédier à la démesure du désir et donc trouver le bonheur, il faut apprendre à mesurer les désirs pour adopter en conséquence à leur égard une attitude correcte. [...]
[...] De même, renoncer totalement à ses désirs ne me satisfait pas totalement. Il semblerait donc que mon bonheur pourrait être atteint par une mesure et une tempérance dans l'assouvissement de mes désirs De la modération des désirs Mesurer ses envies serait-il alors le bonheur ? Il semble bien que nous avons déjà assez souffert de la multiplication de nos excès et du mécontentent que cela entraîne. Ce dont nous avons besoin, c'est plutôt d'un art de vivre. L'art de vivre montre comment trouver une vie réglée, contente et satisfaite de ce que chaque jour lui apporte. [...]
[...] Si Calliclès avait raison, d'abord, en pensant que ceux qui n'éprouvent aucun besoin sont malheureux, car " à ce compte les pierres et les morts seraient très heureux on pourrait toutefois se demander si la satisfaction que cherche le désir poussé à l'extrême ne serait pas un contentement qui réduit et efface le besoin ? Comparons l'âme à un tonneau et les désirs à des trous percés dans le fond. Le tonneau qui n'est pas percé est facile à remplir. Une fois qu'il est plein, il n'est plus nécessaire de lui ajouter quoi que ce soit. [...]
[...] Le fort libère ses désirs, leur donne libre cours et les mène à la satisfaction. C'est en ce sens que Balzac présente dans sa Comédie humaine l'homme de génie : " Il désirait comme un poète imagine, comme un savant calcule, comme un peintre crayonne, comme un musicien formule des mélodies . Il s'élançait avec une violence inouïe, et par la pensée, vers la chose souhaitée, il dévorait le temps. En rêvant l'accomplissement de ses projets, il supprimait toujours les moyens d'exécution". [...]
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